dimanche 4 octobre 2015

Le commissaire commandant Graffard, premier directeur de l’ECA

L'artisan d’une intégration réussie du commissariat dans l’armée de l'air

Témoignage du commissaire général (2S) Jean-Louis Barbaroux (ECA56)

Un article très récent a décrit les étapes du parcours atypique du commissaire Graffard au sein des armées.
Je voudrais, pour ma part, mettre en lumière le rôle essentiel qu’a joué cet officier dans l’intégration des jeunes commissaires dans la corporation des officiers de l’armée de l’air. Eh oui, des « jeunes commissaires », comme on nous a appelés très longtemps, par opposition aux anciens, provenant d’origines diverses et formatés par l’école supérieure de l’intendance (ESI) de l’armée de terre : officiers parfois d’excellente qualité mais souvent regardés comme des êtres à part, gardiens vigilants de l’orthodoxie administrative, à l’égard desquels il était prudent de manifester une certaine réserve.


Une décision stratégique

Le commissaire général Caillat
(DCCA jusqu'en janvier 1956) et son successeur, le commissaire général Bilbault, lui-même ancien PN, étaient bien conscients du problème, en dehors même des difficultés de recrutement dans les autres corps d’officiers, dépourvus le plus souvent de formation universitaire : la guerre de 39/45 venait de finir. C’est tout leur mérite d’avoir compris que la solution passait par le recrutement direct, comme le faisait avec succès la Marine, mais aussi par l’intégration dans la même école que les autres officiers du recrutement direct (contrairement, cette fois, à la Marine dont l’école du commissariat était alors éloignée de l’école navale, inconvénient cependant corrigé par le passage sur la Jeanne d’Arc, au cours de la deuxième année).

En outre, il était d’autant plus méritoire de ne pas avoir hésité à désigner un ex-commissaire de la Marine comme premier directeur de l’école du commissariat de l’air, alors que l’esprit interarmées n’était pas tellement développé à l’époque …

Les prémices d'une intégration réussie

Le commissaire Graffard a lui-même raconté (cf article de nov 2012) les péripéties de l’insertion de l’école, non pas "auprès", mais "au sein" de l’école de l’air. Etant de la promo 1956, je n’ai pas essuyé les plâtres, comme les premières promotions, mais je peux témoigner que les élèves-commissaires étaient complètement intégrés dans l’école de l’air (trop, au gré de certains, qui enviaient alors la "vie de pacha" que menaient, externes à Toulon, nos petits camarades de prépa, reçus à la Marine !).

La 10ème brigade, celle des commissaires, n’avait rien à envier aux quatre brigades de PN, aux deux de mécanos, aux deux de basiers et à celle des télecs (l’armée de l’air avait de gros besoins!).


En complément de la formation générale de l’officier, rien ne nous a été épargné : les bahutages, les marches, les exercices de combat, les stages à Antibes et à Ancelle, les tours de garde, les revues, l’astiquage des locaux (nos chambres à 11 lits en 70, les sanitaires …), les punitions (tenues de campagne !), la MAP (manœuvre à pied), et même les déplacements sur la base au pas gymnastique cadencé ! (par faveur spéciale, la 10ème brigade en a été exemptée dès notre nomination, en janvier, au grade d’aspirant).

Tout cela, nous avons eu souvent du mal à le supporter, au milieu d’élèves-officiers qui trouvaient le régime de l’école plus doux que celui qu’ils étaient nombreux à avoir connu à Grenoble ou au Prytanée, nous qui sortions de plusieurs années de Fac ! Mais, avec le recul, cette formation commune, ce moule unique, nous a certes fait perdre quelques kilos superflus, mais surtout nous a permis de nouer des liens d’amitié, je dirai même de complicité, qui ont perduré toute notre carrière, et … au-delà !

Bien plus tard, alors directeur régional du commissariat, je stupéfiais mon homologue de l’armée de terre découvrant le caractère décontracté et amical de mes relations avec mon commandant de Région : aucun mérite : il était de la promo suivant la mienne …

Une réussite due au directeur de l'école


Oui, bien certainement, cette intégration réussie de l’école du commissariat au sein de l’école de l’air, prélude à la non moins réussie intégration du commissariat dans l’armée de l’air, doit beaucoup à l’intuition et à l’action persévérante du commissaire Graffard, qui, malgré sa casquette Marine camouflée, a su se faire accepter, puis apprécier du commandement et des autres officiers, sensibles à sa courtoisie naturelle et à la pertinence de la répartition des tâches qu’il a patiemment mise en place : solution toute simple, mais pas évidente à l’époque en raison d’un vieux souci d’indépendance du commissariat : à la division d’instruction du commissariat, la formation spécifique du commissaire, à la division d’instruction militaire - en fait, l’école de l’air - tout le reste.


Et nous, les élèves, nous appréciions, dans ce monde un peu rude, sa présence discrète, mais attentive, sans parler de ses qualités pédagogiques et de  sa proximité : aux inter-cours, armé de son inamovible fume-cigarette, il savait avec humour détendre l’atmosphère et mettre ses interlocuteurs à l’aise. Il ne dédaignait pas de participer à certaines activités, par exemple sur un court de tennis : certaines mauvaises langues prétendaient que notre camarade Villiers, joueur classé, se laissait trop facilement battre les veilles d’examen …

Madame Graffard savait aussi recevoir dans une ambiance sympathique, et nous faire apprécier les qualités requises d’une femme d’officier.

Oui, je crois pouvoir dire, avec tous les commissaires qui ont eu la chance de l’avoir eu comme directeur de l’ECA, que nous lui devons beaucoup : c’était un grand monsieur, qui mérite toute notre reconnaissance et notre admiration !

Un vœu pour finir : que l’école du commissariat des armées, heureusement implantée à Salon, auprès (mais pas au sein !) de l’école de l’air, sache profiter des avantages offerts par sa grande voisine,  mais veille à faire intégrer au maximum les élèves en stage  au sein de l’école de formation de leur armée d’ancrage : c’est la condition de leur réussite lorsqu’ils seront appelés à y servir.