samedi 7 mars 2015

Echos du SCA

Vers le Service du commissariat des armées du XXle siècle 

Commissaire général hors classe Jean-Marc Coffin, directeur central du Service du commissariat des armées. 
(remerciements à la Revue Défense Nationale - n°778 mars 2015)

La première transformation du SCA : genèse, réussites et limites 

Créé au 1er janvier 2010, le Service du commissariat des armées (SCA) est l'héritier direct des commissariats d'armée (commissariats de l'armée de terre, de la Marine. de l'armée de l'air) ; il opère le soutien dans le domaine de l'administration générale et des soutiens communs (AGSC) sous l'autorité du Chef d'état-major des armées (CEMA). Il est le fruit de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et du Livre Blanc de 2008 qui visaient à réorganiser l'outil de défense autour de capacités opérationnelles préservées et rénovées, et à mutualiser les fonctions de soutien tout en supportant les déflations d'effectifs inscrites dans la loi de programmation militaire (LPM) 2009-2014.


Rompant avec l'organisation territoriale qui caractérisait jusqu'alors l'administration militaire, le SCA s'est organisé autour de grandes chaînes « métiers » propres à lui permettre d'atteindre ses objectifs : l'interarmisation et la concentration des responsabilités et savoir-faire, selon une organisation fonctionnelle reposant sur des centres experts, génératrice de professionnalisation et d'économies
d'échelles ; la mutualisation de l'ensemble des processus administratifs (hérités des commissariats d'armée existant avant le 1er janvier 2010) ; la modernisation financière, par la mise en place de nouveaux outils permettant notamment des restitutions financières améliorant le pilotage des ressources.

Cette réforme a bouleversé les structures existantes : alors que les trois commissariats d'armée rassemblaient, avant la mise en place de la réforme. 11 650 agents répartis sur 93 établissements et formations, le SCA employait en 2013 environ 4500 agents répartis sur 34 établissements.

Le SCA issu de cette première étape de la réforme de l'AGSC a ainsi atteint les objectifs qui lui avaient été fixés en matière de déflation, de rationalisation, de mutualisation et de modernisation. tout en renforçant la professionnalisation de ses chaînes « métiers »,

De même, le SCA a pu faire face aux grands défis administratifs des années 2011-2012 : la concomitance de la mise en œuvre de Chorus et de la réorganisation des centres de services partagés, la globalisation des processus "achats" de l'AGSC, le traitement des dossiers de déplacements temporaires et de changements de résidence rendu difficile en raison, là aussi, d'une réorganisation territoriale couplée à l'adoption d'un nouveau logiciel.

Deux dossiers sensibles restent cependant d'actualité.

1-Louvois, dont le SCA est opérateur au sein d'une communauté incluant notamment la direction des ressources humaines du ministère de la Défense (DRH-MD), les DRH d'armée et la DIRISI. Si la crise a été jugulée, comme en témoigne l'amélioration de mois en mois du traitement de la solde, au prix d'un engagement sans faille de la part des différents acteurs de la solde, Louvois demeure
un problème.

2-La fonction « habillement» qui vit aujourd'hui une période transitoire, à l'intersection de processus antérieurs (stocks et financements d'armée) et d'un dispositif désormais pleinement interarmées. L'objectif est de passer d'une logique de stocks héritée de la conscription et de la guerre froide à celle de stocks d'une armée réduite soutenue par un socle minimum d'une demi-douzaine d'établissements
spécialisés.


Vers le SCA XXI : la création d'une chaîne SCA intégrée 

Centré sur une logique "métier" fonctionnelle, mais absent de la mise en œuvre concrète du soutien dans les Groupements de soutien de base de défense (GSBdD), le SCA s'est trouvé cantonné à ses expertises en étant privé d'un lien direct et de proximité avec les armées, directions et services (ADS) soutenus. En effet, alors que les services de soutien spécialisés (à l'exception du Service des
essences des armées) étaient organisés selon une logique verticale de "bout-en- bout", les acteurs chargés de l'AGSC dépendaient de deux chaînes hiérarchiques et fonctionnelles, ce qui altérait l'efficacité de leur action. Le périmètre fonctionnel du SCA s'arrêtait ainsi à la porte des GSBdD, lesquels étaient subordonnés au Centre de pilotage et de conduite du soutien (CPCS). Si le SCA regroupait la quasi-totalité des experts du domaine (finance, achats, comptabilité et droit). le
CPCS, relayé par des états-majors locaux, devait piloter 64 GSBdD (55 en métropole et 9 outre-mer et à l'étranger) regroupant près de 30 000 personnes.

À l'été 20l3, poursuivant l'objectif de rationalisation et de simplification du soutien, le ministre a décidé d'uniformiser tous les modèles en étendant à l'AGSC, la logique de "bout-en-bout" par analogie avec le fonctionnement des autres services interarmées de soutien. Le SCA est alors devenu, au 1er septembre 2014, l'autorité hiérarchique des GSBdD, les commandants de base de défense assurant pour leur part la coordination de l'ensemble des soutiens sur leur aire géographique de responsabilité. Comptant près de 27 000 agents, militaires et civils, le SCA est désormais un acteur majeur de la communauté du soutien au sein des armées.

Sur le plan fonctionnel, le « bout-en-bout » permet désormais au SCA de s'adresser directement à l'opérateur du soutien de proximité qu'est le GSBdD, lequel se trouve ainsi appuyé par des centres experts segmentés par domaine de soutien.

Dans ces conditions, le SCA XXI ne peut être considéré comme une réforme supplémentaire mais bel et bien comme une continuation de la logique ayant animé la réforme précédente. Il vise à promouvoir un modèle d'administration militaire en phase avec les réformes du ministère, économe en personnel, garantissant la qualité du soutien AGSC affectée par les restructurations et réorganisations successives.

L'émergence de la filière, corollaire naturel du "bout-en-bout"

Au cœur du SCA XXI, les filières représentent la pierre angulaire du recentrage du service sur l'approche « qualité» du soutien délivré aux ADS et à son personnel. Elles constituent l'identification stricte des grandes fonctions de soutien opérées par le CA et regroupent les ressources qui concourent à la satisfaction des besoins des ADS sur l'ensemble du spectre des prestations du SCA.

Leur objet principal est de délivrer aux ADS des produits finis et des prestations de service "clef en main" : un effet d'habillement ou de protection balistique. au même titre qu'une prestation de restauration, d'hôtellerie ou d'entretien des espaces verts.

Le SCA est ainsi organisé autour des huit filières suivantes: restauration, hôtellerie. hébergement. loisirs ; habillement ; formation au sein de deux écoles (l'école des commissaires des armées à Salon-de-Provence et l'école des fourriers à Querqueville), et de l'établissement logistique du commissariat de Roanne ; assistance juridique; soutien de l'homme (filière tournée essentiellement vers le soutien des engagements opérationnels, opérations extérieures, missions intérieures, exercices. grands événements) ; gestion base-vie. appelée en opération « gestion de camp », qui regroupe les activités contribuant aux conditions de vie au quotidien des formations et de leur personnel en métropole. outre-mer et à l'étranger. et en opération (transport, sécurité incendie, gardiennage, entretien des espaces verts, nettoyage des locaux et autres marchés de service) ; droits financiers individuels, qui regroupent la solde, les déplacements temporaires et les changements de résidence ; préparation et soutien des activités opérationnelles (1).

Fort de cette organisation en filières spécialisées, appuyées par des expertises « métiers », le SCA sera en mesure de professionnaliser davantage les acteurs de l'AGSC pour apporter une offre de soutien modernisée, répondant aux besoins des armées, directions et services, sous fortes contraintes de ressources. Cette organisation nouvelle du soutien AGSC et l'effort porté sur l'innovation au sein de chaque filière doivent permettre au service d'absorber l'objectif de déflation qui lui a été assigné tout en préservant la qualité du service.

La priorité pour le SCA : le soutien des forces 

Le SCA est donc engagé dans un chantier majeur visant à porter l'administration militaire à un niveau de modernité, de qualité et de réactivité digne de l'excellence de nos armées et de celles et ceux qui les servent.

Il s'agit là d'une nécessité impérieuse, au moment où les réorganisations et restructurations successives, combinées à une déflation significative des effectifs du soutien AGSC, portent le risque d'une dégradation de la qualité du service. Au moment également où nos armées, engagées dans de nombreux théâtres d'opérations extérieures, sont en droit d'exiger un soutien moderne et adapté, à la hauteur du professionnalisme de nos combattants. Au moment, enfin, où les exigences sécuritaires résultant des événements récents survenus sur le territoire national confirment le besoin d'un soutien AGSC réactif en phase avec les exigences opérationnelles.

À cet égard, la montée en puissance rapide de l'opération intérieure Sentinelle a démontré toute la pertinence de la nouvelle chaîne opérationnelle du SCA (EMO SCA, centres experts, établissements logistiques et GSBdD) au sein de la chaîne des forces. Activant, en outre, une Zone de regroupement et d'attente (ZRA) destinée aux unités déployées en région parisienne, le SCA a donc pu valider, dans des conditions inédites, sa capacité à respecter les principes de continuité et de simultanéité du soutien, en adoptant une posture opérationnelle exigeante, sans rupture du soutien courant de proximité assuré par les GSBdD.

Projet ambitieux, le SCA XXI vise l'excellence au service de nos forces. Il peut s'appuyer, pour cela, sur les compétences et le sens du service du personnel du SCA. mais aussi sur la riche expérience d'administration militaire héritée des commissariats d'armée.

(1) Cette filière matérialise pour le SCA XXI la priorité accordée au soutien des engagements opérationnels. Elle repose notamment sur la mise en place au ler septembre 2014 d'un État-major opérationnel (EMO) intégré à la direction centrale. et assurant l'interface entre le Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO). et le Centre de soutien des opérations et des acheminements (CSOA), et les établissements du service. L'EMO SCA est ainsi l'organisme pivot, garant de l'efficacité de la chaîne opérationnelle du SCA.