samedi 7 juin 2014

Une commissaire pilote

Lâchée en planeur
par le Commissaire Nathalie Vachet-Valaz (ECA 87)

BLCA 27 juillet 1988

Le ciel et le pilotage sont à la fois synonymes de joies et de drames. Le commissariat de l'air a connu le drame aérien de novembre 1983, où trois élèves commissaires et leur moniteur ont trouvé la mort (cf. nos articles à ce sujet en novembre 2013).
Mais le pilotage est aussi une source de joie pour ceux qui le pratiquent, ainsi qu'un medium d'intégration - parmi d'autres - dans une armée où le vol est consubstantiel à son existence même.
De nombreux commissaires ont pratiqué et pratiquent encore le vol moteur et le vol à voile (cf. notamment notre article sur Gilbert Lépée ECA 1974- octobre 2012).
Retour à Salon de Provence en décembre 1987

Jeudi 10 décembre 1987, nous sommes à l'Ecole de l'air de Salon- de-Provence: il fait beau, et je vais être lâchée sur Pilatus. Une certaine angoisse se mêle à ma joie, mais je connais bien cette situation: j'ai déjà plus de 50 heures de vol à mon actif.


Je me suis intéressée à ce sport de "glisse" qu'est le vol à voile en 1980. A cette époque j'ai été acceptée dans un camp ASA de vol à voile, où j'ai suivi une progression normale jusqu'en 1983. Cette année là, j'ai réussi les épreuves du brevet D pilote planeur : 50 kms solo, 5 h de vol, gain de 1000 m, que j'ai effectuées sur Squale; puis j'ai arrêté la pratique de ce sport.

C'est donc avec plaisir que j'ai redécouvert le planeur à Salon. Le vol à voile, en effet, n'est pas seulement un sport décontractant, où même le pilote le plus inexpérimenté peut, l'espace de quelques minutes, faire équipe avec une buse pour monter dans les airs. Il est aussi un sport de combat puisqu'il met, face à face, l'intelligence humaine et la nature. En effet, le pilote ne peut
plus, ici, compter sur un moteur. La qualité de son vol dépendra de l'intelligence et de la sensibilité avec laquelle il appréhendera, au travers de sa machine, les règles de la nature.

Pourtant le lâché est toujours un moment vécu avec joie par le vélivoliste, même si, pour ma part, le passage du Mariane (planeur très fin et performant) au Pilatus (planeur plus classique) fut quelque peu surprenant.

En effet, le Pilatus ayant une finesse bien moindre, sa position est nettement plus inclinée que le Mariane pour une même vitesse. En contrepartie, la maniabilité de ses gouvernes, au manche
comme aux palonniers, le rend plus sensible, et donc plus délicat à piloter. C'est ainsi que, dès le décollage, j'ai senti la tendance de mon planeur à "marsouiner".

Lorsqu'à 900 m, je me suis larguée, le paysage était superbe, mais il ne restait déjà plus de "pompes" exploitables. J'ai donc très vite atteint les 300 m, altitude à laquelle il m'a fallu songer à atterrir.
J'augmente alors ma vitesse jusqu'à 100 km/h, je calcule mon angle alpha, et arrive en phase finale : la phase la plus technique. Là, pour conserver une stricte correspondance entre ma vitesse et mon
plan, j'observe tour à tour mon badin, la piste, mon badin, la piste, mon badin... touché ! aérofreins en arrière, manche au ventre, je laisse mon planeur se reposer doucement sur une aile.

Ma tension disparaît : il ne reste que le plaisir, toujours intact, de s'être retrouvée seule, glissant dans
les airs aux commandes de mon appareil.