par le CRP Julien Dufour* (ECA 04)
Ayant débuté une formation continue de Legad en 2006, je n’avais encore abordé ce domaine que de manière théorique au travers des stages à San Remo en Italie, à Oberammergau en Allemagne, au CASPOA à Taverny et à Paris lors du stage organisé par la DAJ.
De ce fait, mes précédentes OPEX en 2007 et en 2010 s’étaient déroulées de manière plus classique en tant que commissaire des éléments air déployés en opération. Sollicité dès le mois d’octobre 2013 au profit des opérations Serval et Sangaris pour armer le poste de Legad au sein du CAOC (combined air operations center), en charge de la conduite des moyens aériens en Afrique Centrale et de l’Ouest, je suis effectivement projeté début février 2014 à N’Djamena au Tchad.
Dès mon arrivée, les effets à obtenir se dessinent très rapidement. En plus de contribuer à la formation des personnels dans le domaine du droit des conflits armés (DCA), il me revient d’apporter des éléments de conseil dans le traitement de problématiques juridiques diverses et surtout d’assister le commandement lors des phases opérationnelles susceptibles d’impliquer l’usage de la force.
Déployé pour une durée de deux mois, ce qui est bref considérant la durée moyenne des opérations établie à quatre mois, je me rends rapidement compte du rythme particulier des opérations aériennes qui doivent être menées. En effet, notre adversaire qui se trouve au Nord-Mali se déplace essentiellement à la nuit tombée ou à l’aube, par petits groupes et en se dérobant le plus possible à l’examen scrutateur de nos drones déployés en permanence dans le ciel sahélien.
Ainsi, la majeure partie de ma mission consiste à qualifier juridiquement, dans le respect du droit des conflits armés, les situations qui peuvent être rencontrées en temps réel et de permettre ou pas l’emploi de la force par nos aéronefs. Cet exercice de qualification juridique repose sur l’existence et la démonstration de critères appuyés objectivement par des faits. A bien des égards, cela peut faire de moi l’avocat de la défense en cas de doute avéré, ce qui en vertu du DCA interdit d’employer la force.
Il est difficile de décrire le sentiment ressenti lors de ces phases opérationnelles où se mêle à la fébrilité dictée par le moment et l’acuité de la situation, une concentration extrême découlant de l’exigence de réussite de la mission et de sauvegarde de l’intégrité de nos équipages et de leurs aéronefs.
Les phases d’engagement de la force auxquelles j’ai pu participer furent un moment d’osmose avec les autres personnels déployés au sein du CAOC avec la satisfaction de voir l’outil prendre forme et fonctionner conformément à ce qui en était attendu.
Je tire une très grande satisfaction de cette projection car elle m’a véritablement permis de toucher du doigt les contingences techniques de nos matériels et de nos procédures, en particulier tout ce qui a trait aux armements.
A cet effet, rien ne saurait remplacer le contact direct pour expliquer par exemple les situations permettant de justifier la force en cas de légitime défense ou bien les modalités de transport de personnes retenues à bord des aéronefs de transport.
Enfin, et en guise de conclusion, je tiens à souligner la formidable expérience humaine qu’il m’a été donné de vivre. La réussite de cette mission n’aurait pas pu être au rendez-vous sans le groupe particulièrement attachant et soudé avec lequel j’ai travaillé pendant deux mois au Tchad.
*Etat-major des armées/division PPS/adjoint au chef de la section titre 2