Lutte contre le harcèlement dans les armées
Un rapport d'enquête co-rédigé par Brigitte Debernardy, CGA (ECA 78)
En mars dernier, le ministre de la défense ordonnait une enquête interne sur les situations particulières de discrimination et de harcèlement sexuel et moral dans les armées.
Le général Didier Bolelli, inspecteur général des armées terre et le contrôleur général Brigitte Debernardy, chargés de l'enquête, lui ont rendu leurs conclusions mardi 15 avril 2014 à l’École militaire à Paris devant une centaine de responsables de la Défense.
Le ministre a dévoilé à cette occasion le plan d'action ministériel, directement décliné de leurs recommandations, mis en œuvre pour mieux protéger et accompagner les victimes, prévenir les risques de harcèlement et de violence, sanctionner leurs auteurs et établir la transparence sur les faits.
Après s'être félicité de la réussite du pari de la féminisation au sein des armées « une des plus féminisée au monde (...) avec environ 60 000 personnels féminins », le ministre a rappelé le caractère intolérable du harcèlement. « Il n'y a qu'une politique qui vaille, c'est celle de la tolérance zéro. »
Grâce au travail d’enquête mené par les deux rapporteurs, Jean-Yves Le Drian a présenté un plan d’action en quatre axes :
- Accompagner les victimes et le commandement avec la mise en place de la cellule de soutien et de conseil « Thémis », chargée d’accueillir et de traiter les signalements, de vérifier la mise en œuvre de mesures de protection de la victime, d’accompagner la victime et le commandement pour la définition des suites judiciaires à donner à l’événement ;
- Renforcer la prévention, en inscrivant dans le Code de la défense et le Code du soldat les articles relatifs au harcèlement, en ouvrant droit à une protection juridique pour la victime ;
- Assurer la transparence, en chargeant le Haut fonctionnaire à l’égalité des droits de traiter les signalements pour fournir annuellement des statistiques sur les faits de harcèlement et de violence, en mettant à la disposition des personnels toutes les informations nécessaires quant à leurs droits et leurs devoirs ;
- Réviser la politique disciplinaire, en appliquant des sanctions de groupe II ou III (sanctions les plus graves allant de l’exclusion temporaire à la radiation des cadres) pour les actes de violence ou d’agression sexuelle.
Les deux rapporteurs ont entendu environ 300 femmes en un mois.
En marge de l’intervention du ministre, l’un des deux auteurs du rapport, le contrôleur général des armées, Brigitte Debernardy, a souligné que, à l’issue de son enquête dans une dizaine d’unités, «80% des faits» remontaient, tandis que 20% «étaient traités au niveau local, plus ou moins bien». Ce sont ces 20% que le ministère veut voir mieux pris en charge. Pour ce faire, outre la création de la cellule Thémis, la Défense veut se doter d’un outil statistique permettant de mesurer réellement l’ampleur d’un phénomène certes jugé minime par les armées, mais en réalité difficile à cerner.
"Elles sont courageuses, mais elles encaissent parfois des choses qu'elles ne devraient pas encaisser", souligne Brigitte Debernardy, selon laquelle quand l'information sur des cas de violence remonte à la hiérarchie, "elle est correctement traitée".
Pour le contrôleur général, les femmes sont aujourd’hui moins la cible d’agressions physiques ou de harcèlement moral - «des cas rares», dit-elle - que d’un climat machiste, où les «comportements grossiers» et les «insultes à caractère sexiste», eux, ne sont pas rares.
M. Le Drian assure qu'« il n'y a pas d'omerta », mais, comme dans le reste de la société, une difficulté pour les victimes à dénoncer les faits. Les rapporteurs confirment. « Une d'elles a évoqué une situation de harcèlement sexuel vécue il y a vingt ans, c'était la première fois qu'elle en parlait, note Brigitte Debernardy. Les gens ne connaissent ni leurs droits, ni les canaux de remontée de l'information. »
(remerciements : DICOD, AFP)