Vu de 1983 : élève commissaire en 2013
par l'élève commissaire M. Aucis* (Le Piège n° 97 – 1984)
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A la recherche d'une carrière, j'appris, en tapotant sur le clavier de mon minitel**, l'existence d'un concours de recrutement des commissaires des guerres.
En interrogeant la banque de données du ministère de la défense, j'ai découvert un peu mieux ce qu'étaient ces personnages : le vidéotex précisait qu'il s'agissait d'officiers, à part entière (l) (le terme était souligné), et d'administrateurs chargés de missions de gestion et d'audit, dans chacune des quatre armées (Air, Terre, Marine, Gendarmerie). Avec mon diplôme d'études supérieures spécialisées de gestion, ma maîtrise en économie et mon certificat supérieur d'informaticien, j'avais peu de chances (2,404 %)*** d'être admise. Mais ma connaissance de l'hindoustani et mes quatre années de pratique du golf m'accordaient des bonifications. Enfin, étant du sexe féminin, je bénéficiais d'un avantage certain, mes chances passant à 12,57%***. Je tentais donc l'aventure et après 26 jours de tests variés et d'épreuves diverses, je fus reçue, en très bon rang d'ailleurs, ce qui me permit de choisir l'Armée de l'Air dont on m'avait dit le plus grand bien.
L'accueil
Le lundi 2 septembre 2013, je me posai sur le terrain de Marignane et empruntai la navette hélicoptère pour la Base de Salon où j'arrivai à 11 h. L'accueil fut assuré par un élégant commissaire commandant qui me conduisit au mess pour prendre un rafraîchissement. Je fis la connaissance de mes trois consoeurs et du seul garçon de notre promotion, un agrégé d'histoire ancienne.
Le pauvre se sentait esseulé, mais était réconforté par la présence de cinq ou six stagiaires africains - le chiffre n'était pas encore définitivement fixé - tous masculins.
La directrice, colonel, à l'air un peu revêche, il faut le reconnaître, nous présenta ensuite l'école du commissariat, assez correctement équipée : je notai simplement le caractère un peu désuet des ordinateurs de marque française et l'équipement du secrétariat, dont on me dit au passage qu'il remontait à 1984. Le coin détente, par contre, était fort bien agencé, avec distributeur de vitamines et enceinte à micro-ondes. Quant à la vidéothèque, je ne pus m'empêcher d'y pouffer de rire, quand, sur un lecteur de microfiches, on nous présenta les photos de nos ancêtres de la promotion 1953 !
L'instruction militaire
Quinze jours furent consacrés à faire de nous des militaires. Les premiers temps, cela fut plutôt amusant : coiffeur, habilleuse pour l'essayage de tenues diverses allant des combinaisons antiradiations à la tenue de soirée...Un seul problème : le bonnet était en expérimentation et nous eûmes à choisir entre cinq ou six modèles...
Les connaissances théoriques sur les règlements militaires furent rapidement acquises par le recours à l'enseignement sous sommeil hypnotique (il paraît d'ailleurs que bien des années auparavant, les « poussins », comme on nous appelle, avaient l'habitude de dormir les yeux ouverts pendant les cours, les résultats étant cependant fort peu comparables...). Nous découvrîmes le tir avec l'arme individuelle actuellement en vigueur, fabriquée au japon, le FUJI (fusil jetable interarmées), en plastique bien entendu.
Et puis la surprise fut la rencontre des élèves des autres spécialités : les seigneurs étaient les élèves spationautes, qu'on repérait assez vite à leur allure de derviches tourneurs, quelques élèves pilotes appelés à conduire les avions de transport, les « PNLE » (2), les mécaniciens (en nombre effarant, mais nous eûmes l'occasion d'apprendre que le ravitaillement d'une goupille nécessitait pas moins de 4 572 opérations, ce qui explique bien des choses ... ) et un « basier », espèce d'homme à tout faire qu'on avait recruté à tout hasard (3) ...
L'instruction professionnelle
Dans des salles douillettes, on vint nous parler de choses et d'autres. La comptabilité était, bien sûr, la matière privilégiée avec les techniques de gestion : le problème des professeurs étant de renouveler les cas concrets d'études car les crédits et allocations diverses étaient figés depuis bon nombre d'années. Un sujet d'étude particulièrement intéressant fut cependant d'examiner l'intérêt respectif d'une marge à droite ou à gauche ou encore de chiffrer l'économie que pouvait entraîner la suppression d'un centimètre de marge dans les textes issus des imprimantes.
Ma prédilection allait vers la restauration : j'avais toujours eu un penchant pour la chimie et je fus fascinée par les techniques de fabrication des différents comprimés et capsules distribués chaque matin à l'entrée des bases aériennes pour répondre aux besoins alimentaires de la journée.
La vie à l'école
Une de mes plus grandes surprises fut de découvrir que l'on pouvait encore se servir de ses jambes : pour respecter je ne sais quelle tradition ancestrale, tout déplacement dans l'enceinte de l'école de l'air se faisait à pied – et pendant les premiers jours il me fallut même courir, après quoi, je me le demande encore ! Quel changement avec mon scooter sur coussin d'air que je dus remiser pour quelques temps ! Mais je pus pratiquer les sports les plus divers, du squash à l'équitation en passant bien entendu par le vole en aérostat et le golf !
Des voyages bien sympathiques réunissaient les commissaires. Il paraît que, là encore, cela faisait partie des traditions : les musées oenologiques, les fabriques de vêtements en fibres synthétiques conditionnées sous vide, les entreprises les plus diverses allant des fabriques de bougies automatiques de campagne aux usines de buroviseurs n'avaient plus de secret pour nous.
Quant au voyage d'études de fin d'année, la destination n'est pas encore fixée. Les bruits les plus divers circulent : nous irions visiter la station orbitale de Chrétienville pour rester en zone franc, mais si la situation se débloquait, nous aurions peut-être la chance de visiter le Benelux.
Je suis ravie du choix que j'ai fait : j'ai trouvé ici un monde bien différent du milieu civil. J'ai appris que les rapports humains (ne souriez pas) ne se limitaient pas à des conversations par visiophone ou à des échanges par le biais de cartes magnétiques. La gratuité apparente de certains exercices, la redécouverte de la discipline et de l'effort donnent un sens à notre vie. Une promotion de 1'école de l'air, une promotion de 1'école du commissariat de l'air, c'est quand même quelque chose de formidable, surtout, bien entendu, quand il s'agit d'une promotion impaire !
(1) A la suite de quoi, je m'imaginais trouver dans l'armée des officiers à temps partiel ou à demi-solde. La seule expression que je pus rapprocher de cette information fut celle de généraux « quart de place » dont on me parla en cours de « statuts » ;
(2) personnels navigants lanceurs d'engins
(3) Je dois à la vérité d'avouer qu'il était charmant, plein d'humour ; il s'appelait Grousset. Je m'épris de lui, ce qui me valut de sévères observations de la part de ma hiérarchie qui me fit remarquer que cela poserait des problèmes de gestion de corps.
Notes complémentaires de la rédaction du site de l'AMICAA
* les registres de l’école ne contiennent aucune trace de cette élève commissaire, dont le nom peut rappeler aux plus anciens la référence à un formulaire alors bien connu (MO 6)
**) matériel de communication que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître
***) références à des instructions connues et appliquées dans les temps anciens, l'une relative à la restauration, l'autre à l'organisation d'une base aérienne.
Grand concours de l'amicale
Le gagnant recevra un abonnement gratuit lui permettant d'accéder en permanence au site de l'AMICAA.
question 1 : qui est le commissaire dont le nom de plume est “M. Aucis” (l'intéressé est prié de ne pas souffler la réponse)
question 2 (pour départager les gagnants à la question 1) : qu'est ce qu'un “buroviseur” ?
sous le contrôle de maître Darmes, huissier de justice, ancien commissaire de l'air
Réponse par courriel à : amicaa@sfr.fr