jeudi 21 février 2013


Commissaire en chef de 1ère classe et ancien arbitre international de football: Hervé Piccirillo (promo 90)

Hervé Piccirillo est né le 6 mars 1967 à Martigues. Il a été nommé arbitre de la fédération en 1990 après avoir commencé à arbitrer à l'âge de 15 ans.

En 2012, pour sa dernière année parmi l'élite, il s'est vu confier la finale de la Coupe de France qui a opposé Quevilly à Lyon.

2012 : Séquence interview (Eurosport.com):

Avant de parler foot, de cette finale de coupe de France et de votre métier, il paraît que dans la vie vous êtes militaire de carrière ?

Hervé Piccirillo : Oui, j’ai été recruté dans l’Armée de l’air, il y a 22 ans, en tant qu’officier, dans le corps des commissaires de l'air. Aujourd’hui, j’ai 45 ans et le grade de colonel*. Ce qui équivaudrait, pour donner une image, à un statut de directeur administratif et financier.

Comment peut-on à la fois occuper une fonction de militaire professionnel et d’arbitre professionnel ?

H.P. : En fait, les arbitres ne sont pas professionnels. Je veux dire par-là que, si nous en avons le mode de préparation et de travail, nous n’en avons pas le statut. Il existe une loi, la loi "Lamour", qui, justement, stipule qu’un arbitre ne doit avoir aucun lien de subordination avec sa fédération par un contrat de travail. En fait, c’est comme si j’avais un statut de profession libérale, ce qui me permet de concilier mon statut de colonel et celui d’arbitre, en accord avec mon employeur, l’armée.

Comment gérez-vous cette double activité ? En prenant des vacances pour arbitrer ?

H.P. : Pas toujours. Je suis parfois considéré comme détaché par l’armée pour arbitrer des matchs prestigieux, comme cette finale de Coupe de France ou la finale de Coupe de la Ligue que j’avais arbitrée en 2007. En ce qui concerne le niveau national, quand j’arbitre des matchs de Ligue 1 par exemple, alors là je prends sur mes temps de congés. Mais on s’arrange toujours avec l’armée car elle est plutôt fière d’avoir un de ses représentants au plus haut niveau.

Vous avez 45 ans, l’âge de la retraite. Cette finale Lyon – Quevilly au Stade de France, c’est un cadeau de départ que l’on vous fait ?

H.P. : Je prendrai en effet ma retraite à la fin de la saison puisque la FFF s’aligne sur le règlement international des arbitres qui fixe l’âge de la retraite à 45 ans. Maintenant, cette finale de Coupe de France est un grand honneur et un grand bonheur. Mais pas un cadeau.

Lorsque l’on arbitre un grand match, a-t-on le temps de savourer la rencontre ou la regardez-vous à la télé en rentrant chez vous ?

H.P. : Quand j’arbitre, j’ai deux objectifs principaux. Faire en sorte de ne pas influencer le résultat de la rencontre par une faute d’arbitrage, par une mauvaise décision et protéger le joueur. Si ces deux conditions sont réunies, alors le match aura été pour moi un grand match et j’aurais alors le sentiment de l’avoir vécu pleinement. Maintenant, concernant la qualité du jeu, bien sûr, tout en arbitrant, on sait que l’on est au cœur d’un grand match ou non, mais l’arbitre n’a pas le temps. Je dois toujours être concentré à 100% sur l’action en cours, et en permanence. Pour vous faire un aveu, je n’ai toujours pas revu ma finale de 2007 en Coupe de la Ligue. Je me garde ça pour mes vieux jours, avec mes enfants (rires).

Vous parlez de faute d’arbitrage, or vous n’êtes pas seul à arbitrer, vous avez des assistants. Ne pensez-vous pas que la sur-médiatisation portée sur la moindre décision arbitrale et les critiques qui vont avec, poussent les arbitres assistants à ne pas prendre trop de responsabilité et laisser porter à l’arbitre central tout le poids des responsabilités ?

H.P. : Avez-vous regardé la demi-finale de Ligue des Champions entre Barcelone et Chelsea ? Quand Terry se fait expulser, qui signale la faute ? Un arbitre assistant ! Pas l’arbitre central. C’est donc qu’ils assument leur rôle et les consignes de l’UEFA qui les poussent à intervenir. Maintenant, je comprends qu’on ne puisse réellement juger leur travail car depuis que nous sommes reliés par oreillette, leurs interventions sont moins visibles, visuellement parlant. Or, je peux vous assurer que pendant tout le match nous sommes en relation, nous communiquons tout le temps par oreillette et qu’ils sont très actifs et nous permettent d’éviter des grossièretés, de grosses erreurs, que tout le monde verrait à la télé sauf nous.

Seriez-vous favorable à la vidéo ?

H.P. : Placée sur la ligne de but, oui, bien sûr. Prenez la dernière coupe du monde, le match entre l’Angleterre et l’Allemagne et ce but valable refusé pour les Anglais. C’est une des grossièretés dont je vous parlais. Ca ne doit pas arriver. La vidéo sur la ligne de but serait une bonne chose car, de notre côté, les arbitres, le jeu va parfois tellement vite que nous atteignons nos limites physiologiques et les arbitres derrière le but ne sont pas toujours idéalement placés pour juger si la balle a franchi la ligne ou non. Maintenant, le taux 0% d’erreur n’existe pas.

Faut-il avoir été joueur pour être un bon arbitre ?

H.P. : C’est l’éternel débat. Faut-il avoir été un bon joueur pour être un bon entraîneur ? Prenez Mourinho qui est le contre-exemple. Disons que pour être un bon arbitre, il faut sentir le jeu, bien le comprendre. Dans ce cas de figure, il est préférable d’avoir joué au foot, c’est une plus-value considérable.

J’imagine qu’un arbitre n’a pas le droit de donner de son avis personnel, le choix du cœur, concernant l’un des deux finalistes.

H.P. : Ce n’est même pas une question de droit, c’est juste déontologique. Maintenant, si vous me demandez quel est mon club préféré, je vais vous le dire : c’est un grand club européen, Voisins le Bretonneux dans les Yvelines ! (rires). C’est là où jouent mes enfants.

remerciements à Eurosport.com

* aujourd'hui, commissaire en chef de 1ère classe