mardi 13 novembre 2012

La naissance de l’école du commissariat  de l’air en 1953
par le commissaire général de brigade aérienne GRAFFARD
Directeur de l’école du commissariat  1953-1959


La première personne qui m'ait parlé du projet d'école du commissariat de I'air fut, en 1952, le général Caillat, alors directeur central, lorsque je lui fis, au mois de mai, ma visite d'entrée dans l'armée de I'air.
II désirait vivement voir créer de nouveaux modes de recrutement de commissaires, puisque les recrutements existants (essentiellement au niveau de capitaine par voie de changement de corps après deux années d'études sur concours spécial) fournissaient de moins en moins de candidats du niveau souhaité.
Il avait alors pris modèle sur le recrutement du commissariat de la marine, qui depuis des années fournissait des officiers d'une valeur très homogène.

Ce projet avait déjà rencontré quelques obstacles, mais homme tenace, le Général Caillat n'y avait pas renoncé. Mon arrivée dans le corps des commissaires ordonnateurs de l'air, après huit ans de commissaire de la marine, lui permettait de penser qu'il avait trouvé en moi un candidat possible pour diriger l'école à créer.
Personnellement, j'avais répondu qu'il me fallait d'abord avoir quelque pratique d'une administration assez différente de celle que je connaissais avant de songer à faire de l'enseignement ; là-dessus je fus envoyé faire mes premières armes au commissariat des bases de Versailles.
Pendant près d'un an, je n'entendis plus parler de rien ; il fut même question, entre temps, de me confier le commissariat des bases de Cambrai qui allait être nouvellement créé ; je pensais donc qu'ou bien le projet était enterré ou bien que le choix du titulaire du poste s'était porté sur quelqu'un d'autre.
Ce ne fût qu'après la parution du décret du 28 avril 1953 créant l’école du commissariat de l'air que j'entendis reparler de ma désignation éventuelle comme directeur de la nouvelle école.
Le Général Caillat me demanda alors de faire un aller et retour rapide, à Aix-en-Provence, auprès du Colonel Bilbault, directeur du commissariat de la 4ème région aérienne, qui était chargé de rédiger le projet d'arrêté sur le programme d'instruction de I'école. Nous échangeâmes nos idées, fîmes une courte visite au commandant de l'école de l'air et mon nom figura au ronéo du 6 juin 1953 avec la mention d'affectation suivante : école du commissariat de l'air à Salon-de-Provence, rejoindra le 15 juillet 1953.
Dans les premiers jours de juillet, je vins prendre contact avec l'école de l'air, vis le colonel de Maricourt qui la commandait ; on m'expliqua que les cadres allaient partir en vacances et que les choses sérieuses ne pourraient être mises au point qu'au mois d'août.
général de Maricourt
Je revins donc dans les premiers jours d'août. On m'affecta un bureau et une petite salle de cours attenante situés au nord ouest du bâtiment des élèves avec vue sur l'esplanade Pelletier d'Oisy.
Il n'existait ni archives, ni documentation ; ne disposant d'aucun personnel, je dus moi-même aller chercher auprès du préposé aux fournitures de bureau du groupement d'instruction un peu de papier blanc et de quoi écrire.
Ce fut une entrée discrète par une petite porte. Je me sentais assez isolé et me demandais si cet isolement tenait à mon appartenance à un corps encore mal connu, même parfois un peu redouté, ou à mon origine personnelle extérieure à l'armée de l'air.
Il me fallut quelques mois pour découvrir la cause de cette froideur initiale.
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Si tout le monde s'accordait sur l'objectif de 1’école du commissariat : « Former des officiers du commissariat de I'air et leur donner I'instruction technique et professionnelle nécessaire », par contre les avis différaient quant à l'organisation.
Que j'ai donc pu avoir de problèmes avec ces deux simples mots « auprès » et « au sein » !
Le décret indiquait, en effet, que I'école du commissariat était installée « auprès » de l'école de l'air et bénéficiait de ses moyens d'instruction ; mais le commandant de l'école n'entendait nullement faire bénéficier de tous les moyens d'instruction de l'école de l'air un îlot presque indépendant de son autorité, c'est pourquoi il exigeait que l'arrêté d'organisation précise bien que 1’école du commissariat fonctionnait non pas auprès mais au sein de l'école de l'air.

Le Générai Caillat se laissa difficilement convaincre, mais quand il se rendit compte que le commandant de l'école de l'air en faisait vraiment une question de principe, il finit par donner son accord au texte que j'avais préparé, mais qui me plaçait toutefois beaucoup plus qu'il ne l'aurait souhaité sous l'autorité du commandant de l'école de l'air.
L'arrêté fixant l'organisation et le fonctionnement internes de l'école ne parut qu'en novembre 1953 et je compris que cet accueil assez froid que j'avais reçu à mon arrivée ne m'était pas particulièrement destiné, mais qu'il tenait beaucoup plus à ce problème d'organisation tardivement réglé.
De fait, à partir de la parution du texte, ma vie à l'école devint beaucoup plus facile.
Les problèmes, certes, me manquaient pas ; les oppositions de mes deux « patrons » me plaçaient souvent dans des situations difficiles ; j'entends encore la voix du général de Maricourt me hélant d'un bout à l'autre du bar du mess des officiers : « Oh, vous, l'officier le plus indiscipliné de cette école, arrivez un peu ici ».
Je n'étais évidemment pas particulièrement indiscipliné, en dehors de mon attachement à ma vieille casquette marine considérée comme non réglementaire, mais il me fallait, surtout dans les débuts, essayer de donner une place un peu différente de celle des poussins à des élèves plus âgés ayant une formation initiale très différente.
Dans les premiers temps, mon titre interne fut plus celui de commandant de la Division d'instruction commissariat (D.I.C.) que celui de directeur de l'école du commissariat de l'air.

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promotion 1954 en croisière

En principe, je n'aurais pas eu à faire de cours, puisqu'il était prévu que, tous les cours de première année dans les matières administratives, seraient confiés à la Division d'instruction administrative (D.I.A.) chargée de former les officiers des services administratifs. Le commandant Caire, qui commandait la D.I.A., avait accepté avec beaucoup de gentillesse cet accroissement de charges, toutefois certains des cours enseignés aux élèves administratifs n'étaient pas toujours parfaitement adaptés aux élèves commissaires ; en outre, je me disais que si je n'avais aucun cours à faire, mais seulement à régler le déroulement général de cours enseignés par d'autres, il me serait bien difficile d'établir un contact satisfaisant avec mes élèves.
Bref, dès le démarrage, je décidai de faire mes propres cours sur les matières administratives que je jugeais les plus importantes. Heureusement, j'avais conservé tous mes cours de l’école du commissariat de la marine et, par bonheur, cette période d'après guerre n'avait pas été trop fertile en modifications de textes. Ainsi, moyennant certains réaménagements, mes anciens documents étaient réutilisables.
Toutefois, lorsque mes premiers élèves arrivèrent, je n'avais guère de cours d'avance ; il m'arrivait, bien souvent, de mettre au point, juste avant la séance, le cours que j'allais enseigner quelques instants plus tard et sans savoir toujours bien comment serait constitué exactement le cours suivant.
J'espère que personne ne s'en est trop aperçu ! Par la suite les officiers des services administratifs furent intégrés dans le nouveau corps des officiers des bases, la Division d'instruction administrative fut supprimée ; mais, entre temps, l'école du commissariat s'était développée, des adjoints m'avaient été affectés, un secrétariat avait été constitué et j'avais même hérité la documentation d'une unité dissoute, je pouvais ainsi voir l'avenir avec beaucoup plus de sérénité.
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On peut s'étonner que les deux années d'enseignement aient démarré simultanément dès 1953 ; ceci s'explique par le fait qu'entraient directement en deuxième année d'école certaines catégories d'officiers dont le concours d'entrée portait pour partie sur les matières enseignées en première année.
Donc, il fallut également, dès 1953, organiser aussi et démarrer la deuxième année d'études.
Celle-ci se passait à Aix-en-Provence, les élèves étaient externes ; leurs cours se distribuaient pour parties presque égales entre la faculté de droit, l'école des Arts et Métiers (technologies diverses) et la caserne Forbin (matières plus spécifiquement commissariat).
Pour l'enseignement de deuxième année, je me contentai, en 1953, de mettre en place grossièrement, avec les professeurs et instructeurs, le déroulement général des cours et demandai à mes deux lieutenants élèves (qui avaient eux-mêmes à peu près mon âge) de me donner une estimation personnelle sur l'enseignement reçu (y compris sur la qualité des professeurs ou instructeurs).
Ce n'est évidemment pas là un procédé très habituel, mais il rendit d'excellents résultats et, dès l'année 1954, il permit d'apporter des retouches sensibles aux programmes.

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promotion 1953

Tels furent les débuts d'une école d'où sont sorties déjà 29 promotions de commissaires de l'air*. Je ne parlerai pas tellement des élèves commissaires que je vis arriver; ils étaient tellement semblables à mes camarades de promotion de la marine et à moi-même ! Ils avaient seulement dix ans de moins, mais le moule était exactement le même et les réactions identiques. Je dirai simplement que, sur tous les plans, une fois les premiers problèmes décantés, ces six ans et demi passés comme directeur de l'école du commissariat de l'air sont parmi les plus attachants de ma carrière et sans doute même de ma vie. Mes rapports avec les autres officiers de l'école ont été particulièrement sympathiques et enrichissants sur beaucoup de plans ; des amitiés, qui durent toujours, datent de cette époque ; je sais qu'il en est de même pour ceux qui furent mes élèves avec leurs camarades de promotion. Le grand brassage entre tous les officiers des différents corps de l'armée de l'air souhaité par le Général Caillat s'est trouvé pleinement réalisé et je ne regrette certainement pas la contribution que j'y ai apportée.

* article écrit en 1983, lors du trentième anniversaire de l’école