A la direction centrale, le Comité de Consultation Coordonnée (CCC) se réunit pour analyser les raisons d'un résultat si imprévu et si déconcertant. Ses conclusions furent les suivantes: 1) L'équipe des auditeurs était formée d'un chef d'équipe et de 10 rameurs ; 2) L'équipe du commissariat de l'air était, elle, constituée d'un rameur et de 10 chefs d’équipe, tous sous-directeurs et chefs de bureau.
Le dossier fut transmis à la mission « Planification stratégique », pour l'année suivante, avec l’idée d’une réforme dont les répercussions se feraient ressentir à tous les niveaux du commissariat de l’air.
En 1994, lors du départ du nouveau challenge, l'équipe de la société reprenait une fulgurante avance, l'équipe du commissariat de l’air arrivant avec 2 heures de retard ...La nouvelle analyse du CCC rendait les constatations suivantes: 1) Dans l'équipe de la société, il y avait un chef et 10 rameurs ; 2) L'équipe du commissariat de l’air, suite aux réformes décidées par la mission Planification stratégique et approuvées par le directeur central, comprenait un chef d'équipe, deux assistants au chef d'équipe, sept chefs de section et un rameur. La conclusion du Comité fut unanime et lapidaire : « Ce rameur est un bon à rien ».
En 1995, se présentait une nouvelle opportunité pour l'équipe. En effet, la "cellule du Haut Management" de la sous-direction Personnel de la direction centrale - en collaboration avec la sous-direction de l'administration générale - avait mis au point une stratégie novatrice, basée sur le dialogue de gestion qui améliorerait sans aucun doute possible le rendement et la productivité, grâce à l'introduction de substantielles modifications dans la structure. C'était, là, la clef de voûte du succès, l'aboutissement ultime d'une méthodologie prédictive qui ferait pâlir d'envie même les meilleurs managers au monde.Le résultat fut catastrophique. L'équipe de la société arriva cette fois avec 3 heures d'avance sur l'équipe du commissariat de l’air. Les conclusions du CCC furent effroyables: 1 ) Dans un but évident de déstabilisation spéculative, l'équipe de la société avait opté pour la formation traditionnelle, un chef d'équipe et 10 rameurs ; 2) L'équipe du commissariat de l’air avait introduit une formation avant-gardiste: un chef d'équipe, un adjoint, un consultant Qualité, un auditeur en empowerment, un superviseur de downsizing, un analyste de procédures, un technologue analyste physico-financier, un contrôleur de gestion (dit « Golden-boy»), un chef de section, un technicien chronométreur et un rameur. Après plusieurs jours d'épuisantes réunions et autant de séances de brainstorming, le Comité décidait de punir le rameur en lui supprimant ses primes de qualification et en lançant une procédure disciplinaire.
Lors de la réunion de clôture, le Comité, appuyé par le directeur central, statuait: « Pour le prochain challenge, nous engagerons un nouveau rameur, mais par le biais d'un contrat d'Outsourcing, de manière à éviter toute contrainte statutaire, sans décompte des permissions et sans la charge des retraites pour le budget du service, éléments qui, sans aucun doute, ont jusque-là dégradé l'efficacité et la productivité de nos équipages ».
Anonyme (Contes et légendes des Folies Victor)