mercredi 22 juin 2022

Souvenir de Ris-Orangis : le commissaire colonel Delfini (1914-1991)

 

En 1972, à l’occasion du départ en retraite du commissaire colonel Delfini, directeur du SFCA et commandant de la base aérienne 290 (1), le commissaire général Daume, directeur central, brosse un tableau complet - et très personnel -  de la carrière du partant. Car il le connait très bien et tient à marquer son départ, conscient qu’une page se tourne, à la fois générationnelle - avec le départ des plus anciens -  et professionnelle – avec l’arrivée des premiers commissaires de base en 1971.

Un discours très élogieux, teinté d’humour, sans doute permis par une « camaraderie » de plus de 20 ans avec « monsieur » Delfini. 

Les cres Delfini et Daume
  « Le 15 octobre 1935, vous vous engagiez [comme sous-officier, secrétaire-2] dans l’aviation à Villacoublay.  37 années sont passées depuis cette date mémorable et aujourd’hui, 2 août 1972, vous avez quitté l’armée de l’air, le SFCA et la base aérienne 290 de Ris-Orangis. 

Vous êtes arrivé à Ris-Orangis en 1964, d’abord comme adjoint et puis comme directeur et commandant de la base durant quatre ans et demi.

37 ans de service, c’est une longue carrière mais aussi tellement riche et tellement variée. Si je devais la qualifier d’un seul mot, je dirais que vous fîtes une carrière « méditerranéenne ». En effet, pendant plus de 20 ans, que ce soit au Levant, que ce soit en Algérie, que ce soit au Maroc, vous avez hanté les pourtours méditerranéens.

Est-ce votre naissance au Caire le 3 août 1914, il y a hélas 58 ans ? Je dis hélas aussi bien pour vous que pour moi puisque nous sommes nés la même année. Est-ce votre mariage à Oran en 1939, ou sont-ce les hasards des mutations et du service qui vous fîtes préférer les rivages méditerranéens aux garnisons françaises et métropolitaines ?

Quoi qu’il en soit, ne croyez surtout pas de ma part à un reproche et encore moins à une critique car, au fond de mon cœur comme au fond du cœur de beaucoup d’entre nous, subsiste le regret de n’avoir pas assez connu, de n’avoir pas assez apprécié cette magnifique Afrique du Nord que nous évoquons maintenant comme un très cher ami qui a disparu.

Officier administratif puis commissaire

GCB 1/18 (cliché Courtois)
Promu sous-lieutenant en 1942 (EMA), votre première affectation est à Toulouse comme officier trésorier, plus exactement comme officier des détails. En 1944, c’est le groupe de chasse-bombardement 1/18 « Vendée » à Cognac (3), toujours comme officier des détails. Et puis, en 1945, commence la phase marocaine de votre existence, le dépôt de l’air de Casablanca, comme trésorier, puis le centre administratif de l’air de Casablanca, comme adjoint au commandant du centre et puis, enfin, la base aérienne de Rabat-Salé que nous connaissons bien, où vous êtes chef des services administratifs (chef de la section administration).

En 1949, vous débarquez à Paris après un voyage aérien particulièrement mouvementé, s’il m’en souvient, pour passer le concours d’entrée à l’école supérieure de l’intendance (ESI), où vous êtes reçu. C’est à cette occasion que nous faisons connaissance par le truchement d’un échange ou du prêt d’un livre de droit. De 1949 à 1951, c’est l’école et dès la fin de l’école, dès la sortie en 1951,  vous rejoignez de nouveau le Maroc, au commissariat des bases (CBA) de Rabat, avant de rejoindre un an plus tard la sous-direction du commissariat de l’air également à Rabat.

En 1955, vous prenez la tête - comme chef de service - du commissariat de l’air de Marrakech, pour peu de temps d’ailleurs, puisque ce commissariat étant dissous, vous allez créer le commissariat de l’air de Constantine. Un bien mauvais moment d’ailleurs et dans des conditions particulièrement difficiles. Là, c’est le début de la guerre d’Algérie et vous resterez [en Algérie] jusqu’à la fin, sauf un petit intermède de deux ou trois mois à Toulouse fin 57 - début 58 et une réaffectation début 58 à Hussein–Dey  grâce à ma complicité d’ailleurs. Puis après Hussein-Dey,  la direction régionale à Alger.

En métropole

1963, c’est la fin de votre période Nord-Africaine. Vous êtes affecté à l’inspection et en 1964 vous êtes affecté au SFCA et à la base aérienne de Ris-Orangis. Longue et belle carrière ! Les 37 années sont bouclées et cette carrière, je pense que nous pouvons tous la garder en exemple et je souhaiterais spécialement que les jeunes commissaires s’en souviennent.

Avec le cre lcl Bajard

Le diplômé d’études supérieures commerciales que vous étiez et que vous êtes toujours, l’ancien élève de l’école spéciale des travaux publics que vous fûtes avant de vous engager, termine sa carrière comme commissaire colonel, breveté technique, officier de la Légion d’Honneur, une blessure en service aérien commandé en 1945, la Croix de la valeur militaire en 1960, totalisant environ 600 heures de vol sur avion militaire.

Voilà messieurs, en résumé, la carrière de monsieur Delfini.  J’ajoute, dût votre modestie en souffrir mon cher Delfini, que  j’ai relevé dans vos notes un certain nombre d’appréciations de vos anciens chefs dont je voudrais vous lire quelques passages. « Sur le plan de la personnalité : esprit vif, intelligence ouverte, très cultivé, doté d’un dynamisme réalisateur et d’une santé de fer. Calme, pondéré, de rapport très agréable. Sous une attitude sereine a une volonté certaine et une grande autorité naturelle. Sur le plan professionnel, connait le métier de commissaire de l’air sous toutes ses faces. Possédant des connaissances administratives très étendues, sûr, précis, sait aller au fond des choses. Efficace, possède une grande puissance de travail. »

1972 : Voici, mesdames et messieurs,  l’homme, le chef,  le commissaire de l’air que nous perdons. Mais si vous disparaissez de l’horizon militaire, vos qualités d’intelligence, vos expériences de la vie, des choses et des gens, votre dynamisme doivent trouver à s’employer heureusement dans une carrière future. De toute façon, pour ma part, je vous connais deux violons d’Ingres : tout d’abord, le journalisme. J’ai toujours beaucoup apprécié le « mot du colonel » écrit de votre blanche main dans le Bélier (4) et puis également la peinture. Et comme je vous l’écrivais il y a peu de temps, je pense  et j’espère que vos loisirs futurs vous permettront d’affirmer la maîtrise du pinceau et d’en tirer toutes les joies que cela peut procurer.

Je vous souhaite bon courage et  je vous souhaite bonne chance.

Je vous fais des vœux pour une longue et heureuse retraite en compagnie de madame Delfini. Et pour vous permettre de vous remémorer les souvenirs de votre vie militaire - les bons s’entend car, Dieu merci, les mauvais on les oublie -  je vais vous remettre la médaille d’honneur du commissariat de l’air que vous avez si bien méritée.»

Décède le 16 juin 1991.

1- Le directeur du SFCA était également commandant de la base aérienne 290

2- début de carrière :Classe 1934 Marseille- matricule 6924

Soldat le 26 octobre 1935 à la 11ème compagnie de l'air (Villacoublay), puis à la BA de Marignane à partir du 28 mars 36. Caporal le 16 août 36, caporal-chef le 1er mars 37 et sergent le 16 août 37. A cette date, il est libéré de ses obligations militaires, passe dans la réserve et se retire au Caire.

Le 2 mars 38, il souscrit - au bataillon de l'air 201 de Marseille -  un contrat d'engagement pour un an, au grade de caporal-chef et il est affecté à Oran à l'Air régional 83. Passé sergent le 20 juin, il est secrétaire à l'état-major de la base aérienne 202 d'Oran où stationne le groupe aérien d'observation 583. Il se marie le 17 juin 1939 (deux enfants: Pierre né le 17 mars 40 et Christian né le 10 août 45).

A la déclaration de guerre, il est affecté au GAO 583  qui part au Liban où il est successivement à Beyrouth, Rayak puis Homs.  Son unité occupe plusieurs terrains avant d'arriver à Alep. Il est toujours secrétaire, mais en charge du courrier au bureau personnel. A l'issue des affrontements de mai/juin 1941, après les accords de saint Jean d'Acre, il est évacué sur Marseille où il arrive le 6 septembre.

Rejoint Toulouse Francazal le temps d'établir son congé de fin de campagne qu'il passe à Oran. A l'issue du CFC, il est affecté au groupe de bombardement 1/11 et décide de tenter les EOA. Reçu en très bonne place, il rejoint l'école à Toulouse-Pérignon, mais en raison du débarquement allié en Afrique du nord l'école est dissoute le 2 décembre 42. On trouve dans cette promotion ballotée par les évènements plusieurs futurs commissaires de l'air: René Bordes, Charles Durousseaux, Jacques Ferlicot, Henri Salfati, Dominique Viviani, François Frange, Raymond Paicheur et Léon Vicat.

source:  SHD AI 1 P DE 2014 ZL 170 357.

3- Front de l’Atlantique 1944-1945, unité volant sur Douglas A-24 Dauntless

4- Revue interne du SFCA puis du SETAMCA

Témoignage du commissaire Guiriec (ECA 55)

« En juillet 1961, à la suite du Putsch à Alger, il y a eu une valse des affectations et j’ai été affecté au CBA d’Alger Maison Blanche, dirigé par le commissaire Delfini. C’était un grand monsieur, passé par l’école supérieure d’intendance (ESI), qui m’a parfaitement accueilli et bien expliqué le travail de surveillance. Je garde de lui un excellent souvenir. 

J’en profite pour préciser que les commissaires d’origine ESI étaient généralement d’excellents officiers (c’est vrai, j’ai croisé quelques « personnages », mais peu en définitive). L’origine d’une certaine mauvaise réputation dans les unités provenait tout simplement du fait qu’ils n’étaient pas affectés sur base aérienne et que leurs contrôles étaient, par définition, peu appréciés. Mais il me semble que, à part sans doute quelques cas individuels, ils n’étaient pas excessifs dans leurs vérifications et appliquaient simplement les procédures. » 

Les ECA 69 en visite au SFCA

« Les élèves de la promotion 69 se souviennent  encore de la visite au SFCA où le directeur les avait bluffés, notamment les commissaires étrangers (Maroc/Algérie/Liban), en terminant son discours… en arabe! »

Le mot du colonel, à son départ