dimanche 18 octobre 2020

Le général Barès et la tenue de sortie de l’armée de l’air

Le commissaire général (2S) François Aubry (ECA 69) nous a transmis un texte décrivant le contexte dans lequel la tenue de sortie de l’Armée de l’air a été créée*,  tiré du livre : "Général Barès, créateur et inspirateur de l'Armée de l'air"; Nouvelles éditions latines; 1994. Pages 187-8, Auteurs: José Barès (fils d'Edouard), Louis Laspalles, Jean Castex; La famille Castex était très liée aux Barès à travers Louis Castex qui a donné son nom au Prix de l'Académie Française

« L'autre déception, pour Laurent-Eynac, c'est de ne point parvenir à faire voter dans des délais raisonnables les textes fondamentaux portant organisation de l'Armée de l'Air. Grâce à l'action persévérante d'Édouard Barès, il réussit cependant à imposer, en 1929, la décision de créer une nouvelle tenue pour l’Armée de l'Air qui fut rendue obligatoire par la circulaire du 5 août 1929. Cette question, d'apparence secondaire, revêtait, en réalité, une valeur symbolique considérable, qui n'a pas échappé au général Barès. En effet, la décision définissant la tenue constitua une étape, et non des moindres, dans la marche vers la création de l'Armée de l'Air.

C'est que la chose n'allait pas de soi ! Et elle suscitait bien des réserves tant dans l'Armée de Terre que dans la Marine. Même au sein de l'Aéronautique Militaire, les avis n'étaient pas unanimes : le colonel Girod souhaitait une nouvelle tenue fermée, sévère, conservant les «galons en V », mais la commission chargée de définir la tenue trouve son style «trop aJlemand» et se range à l'avis du général Barès. Celui-ci, dans un souci d'économie, suggère la couleur bleu Louise, couleur qu'on peut trouver dans le monde entier, le veston droit que tous les tailleurs rêussissent, le gilet, inspiré de la grande tenue de spahi, pour lutter contre le débraillé, et le col ouvert, ce qui pouvait permettre et a permis à beaucoup d'officiers comme à lui-même, pourquoi ne pas l'écrire, de transformer à moindres frais leurs uniformes en tenues civiles, au moment de la retraite. 

Fanfare 1935
Dans un premier temps, Édouard Barès fera provisoirement abandonner l’idée d'un poignard, qu'il jugeait inutile, mais qu'il avait étudié, certains dimanches où il se retrouvait avec des amateurs d'Art chez Reubell, dernier descendant du célèbre Conventionnel, possesseur d'une remarquable collection de dagues qu'il devait léguer au Metropolitan Museum. Plus tard, il sera adopté un poignard inspiré de celui dont les aviateurs militaires polonais étaient dotés. Edouard Barès fit aussi écarter le principe de la tenue de soirée, jugeant celle-ci trop coûteuse pour les soldes fort minces des jeunes officiers sans fortune personnelle, lui-même ayant toujours conservé le souvenir de «l'incalculable quantité de vache enragée qu'il avait mangée». 

Le dessin de la casquette fut très élaboré afin qu'elle n'eût aucune ressemblance ni avec celle de la Marine ni avec celle en usage dans les pays étrangers, notamment en Angleterre et en Allemagne.

La circulaire du ministre de l'Air résista victorieusement aux critiques que ne lui ménagèrent pas les deux autres armées. L'Armée de Terre déplora l'abandon du képi, considérant qu'il représentait une rupture avec la tradition qui, depuis sa naissance, liait l'aviation aux forces terrestres. Pour sa part, la marine faisait un reproche en quelque sorte inverse: la couleur du nouvel uniforme et le port de la casquette étaient à ses yeux susceptibles de créer une confusion avec la tenue des officiers de marine. Un an plus tard, les sous-officiers eurent droit à une tenue analogue que caractérisait une martingale qui avait son utilité pour qu'ils fussent immédiatement reconnus de dos en toute circonstance. Mais cette distinction leur parut tellement insupportable qu'elle tomba bientôt en désuétude.

Garde au drapeau 1935
De 1929 à 1932, diverses modifications furent apportées à l'organisation des structures. En 1932, on supprime les régiments d'aviation, et on met sur pied, organisées sur le modèle de la Marine, cinq bases aériennes: Dijon, Le Bourget, Lyon, Nancy, Pau. Ces décisions préfigurent le visage définitif de l'Armée de l'Air. Elles ont toujours été le résultat de la volonté initiale du général Barès qui a été mise en œuvre par Painlevé et le général Hergault.

Avec le décret du 1" avril 1933, signé de Pierre Cot, on assiste à la création de l'Armée de l'Air, un événement de taille, puisque jusque-là l'Aviation Militaire constituait seulement l'une des Armes de l'Armée de Terre au même titre que l'Infanterie ou l'Artillerie par exemple. A partir de là, et pendant trois ans, des décisions, majeures pour l'Armée de l'Air vont être prises. Au début, Edouard Barès aura l'occasion de faire entendre son point de vue de connaisseur exceptionnel de l'Arme aérienne, en tant que Vice-Président du Conseil Supérieur de l'Air, Inspecteur Général de l'Armée de l' Air. La doctrine d'emploi de l'Armée de l'Air va être définie ainsi que la politique qui en découle en matière d'organisation d'armes, d'équipement, d'instruction, de dispositifs de mobilisation. »

*Lire aussi nos articles « L’uniforme et les tenues de l’Armée de l’air » (septembre 2019), « Haute couture et habillement des aviateurs » (mars 2020) et l’article d’Air Actualités de décembre 2019 « Histoire d’uniforme », auquel l’AMICAA a collaboré.

Illustrations Maurice Toussaint - "Uniformes de l'armée française" 1935