jeudi 16 avril 2020

Commissaire de l'air en direction régionale

Par le commissaire général (2S) René Rame

Nous poursuivons la rediffusion - avec ce 5ème épisode - de cette chronique de l’après-guerre et des années 60 qui nous éclaire sur les fonctions d’un commissaire de l’air dans une armée de l’air alors en plein renouveau.
                                                                 
Après Alger, en 5ème région aérienne (1946-1948), puis le 1er CATAC en Allemagne, et enfin le métier dans un Commissariat des bases aériennes en Allemagne, à Luxeuil puis à Aix-en-Provence voici maintenant la vie d’un commissaire colonel en région, adjoint au DRCA à Aix-en-Provence.

Épisode 5 : DRCA de la 4ème RA à Aix-en-Provence (1969-1971)

Directeur : commissaire colonel, puis général Mousist, suivi du commissaire colonel, puis général Joureau.


Au niveau régional, des tâches variées
Fin des années 60, l'évolution des structures de l'armée de l'air se poursuit.
J'ai le souvenir d'études, de correspondances, de réalisations et de mises en place de matériels pour les créations :
- de la base d'Apt (1er groupement de missiles stratégiques) ;
- de la base de Lyon-Mont Verdun ;
- de l'établissement du commissariat de Portes-lès-Valence qui, dans un premier temps, a absorbé l'établissement régional de Montpellier avant d'absorber l'établissent central de Chamalières dont de serai le liquidateur ;
-
Sainte Beaume
du petit détachement spécialisé de la Sainte-Beaume. J'ai vécu, auprès de l'Etat Major de la 4ème RA, la dissolution, un peu précipitée par les événements, de la base de Bou-Sfer (Algérie) et de son détachement à Reggane. Son organe liquidateur s'installera à Aix-en-Provence pour un mois ou deux.

Du train-train quotidien, j'ai retenu deux ou trois choses :
- la détermination de la richesse de la masse* de chauffage de chaque base, que le directeur me demandait d'effectuer mensuellement pendant la saison froide ;
- l'agitation que provoquait l'ultime mise en place des crédits budgétaires en décembre. Il fallait réussir à les utiliser au mieux dans des délais relativement courts, en trouvant les  fournisseurs aptes à la livraison…c'était la «course en sac» ;
- le directeur m'avait chargé d'affiner sur place les besoins en matériels d'ameublement, avant leur réalisation et leur affectation aux bénéficiaires. Dés mon arrivée sur les bases, je faisais alors l'objet de toutes les attentions de la part de mes interlocuteurs qui espéraient ainsi, peut-être, en obtenir davantage…; le hasard a donc voulu que je joue un peu, à ce moment là, le rôle du père Noël, en visite préalable.

Drames aériens

Dans les environs d'Orange, un pilote doit s'éjecter de son mirage. L'avion tombe dans un petit jardin où un gendarme de l'air, de repos, travaille. Il est marié, avec trois enfants. Le dossier contentieux a retenu toute notre attention afin d'accorder à la veuve une indemnisation des plus équitables. Le commandant de la gendarmerie de la 4ème RA nous a donné l'évolution probable de la carrière du disparu, afin de calculer le montant des soldes qu'il aurait perçues jusqu'à sa limite d'âge, d'autres éléments ont été pris en considération après étude sérieuse… l'administration centrale a retenu nos propositions.

Monument
Deuxième affaire concernant le bureau des matériels, cette fois. Vers janvier février, j'assiste au rapport d'état-major en remplacement du directeur, comme assez souvent d'ailleurs. En plein milieu de ce rapport, un commandant entre dans la salle, se dirige vers le général (Debordas, à l'époque) pour lui rendre compte que l'on a perdu le contact radio et radar avec un avion de transport, au dessus de l'Ardèche. «Combien de personnel à bord?», «une vingtaine (j'ai oublié le chiffre exact**), répond le commandant, l'équipage et quelques officiers de l'armée de l'air, accompagnant les civils cadres et techniciens du commissariat à l'énergie atomique»…Le lendemain, au début du travail, l'Etat major nous demande la mise en place, le plus rapidement possible, d'une quarantaine de drapeaux tricolores pour recouvrir les cercueils. Sous le coup de l'émotion, on demande au chef du bureau matériels de procéder à la réalisation, presque machinalement, des drapeaux, un article banal…une heure après, je vais voir le chef du bureau matériels : un officier féminin, compétente, dynamique, expérimentée, capable de dénicher un fabricant de moutons à cinq pattes qui, si nécessaire, pourraient dire «papa et maman».

La réalisation n'a rien d'aisé…plusieurs dizaines de drapeaux tricolores standards avant le 14 juillet, on peut les trouver partout. Mais en la circonstance, il faut une quarantaine de drapeaux, d'une dimension particulière, en hiver, loin d'une fête nationale, dans le sud-est de la France et tout de suite. Autrement dit, l'on doit trouver un fournisseur avec le stock de tissu nécessaire, du personnel disponible et une certaine bonne volonté, inspirée par une sympathie pour le milieu militaire, l'armée de l'air, en particulier.
Plusieurs heures de recherches et de négociations seront nécessaires à ce chef du bureau matériels, possédant toutes les qualités voulues.
Heureusement, tous les opérationnels n'étaient pas dans l'Est de la France !
L'apparente simplicité de certains problèmes ménage parfois des surprises…

*Volume financier, dans le système dit « des Masses », remplacé au début des années 70 par le budget de fonctionnement des bases aériennes (voir nos articles à ce sujet)
** Accident du Nord 262 n°44 F-RBOA de l'Armée de l'Air parti de Villacoublay à destination d'Orange le 21 janvier 1971 vers les pentes du Crouset. Victimes : 8 membres de l'Armée de l'Air, 6 membres de l'Etat-Major des armées et 7 hauts responsables du Commissariat à l'Energie Atomique se déplaçant à une réunion confidentielle au CEA de Pierrelatte.