mardi 26 novembre 2019

Le commissaire colonel Félicien Roussel

Nous poursuivons notre série des biographies des premiers commissaires de l'air, aujourd'hui le commissaire colonel Félicien Roussel, qui, comme beaucoup de grands anciens, fit une belle carrière comme sous-officier puis comme commissaire de l'air, sans oublier ses actes de résistance durant la seconde guerre mondiale.

Un début de carrière au Levant

Félicien Roussel est né le 14 août 1900 à Mont-Saint-Martin, près de Longwy (Meurthe et Moselle, dans la partie de la Lorraine demeurée française).

Appelé à servir sous les drapeaux (classe 1920), il est  incorporé à Dijon le 15 mars 1920 au 2ème RAO (régiment d’aviation d’observation), nouvellement créé, puis transite par le 1er RAO stationné à Tours avant d’être affecté à l’escadrille 57 de l’armée du Levant, qu’il rejoint dès le 20 juin 1920.  En poste dans le Djebel-Druze, tout au sud de la Syrie, il est promu caporal le 8 février 1921 puis caporal- fourrier le 1er août 1921.

En novembre 1921, il revient en métropole et poursuit son temps sous les drapeaux au 21è Régiment d’aviation à Nancy-Malzéville. A l’issue de ses 2 ans de service militaire, il est rayé des contrôles le 15 mars 1922 et versé dans la réserve au 11ème Régiment d’Aviation de Metz le 21 mars.

Le 29 septembre 1922, il s’engage pour 2 ans dans l’Aéronautique militaire et est à nouveau affecté à l’armée du Levant (35è régiment d’aviation). Il débarque le 29 octobre 1922 à Beyrouth et rejoint le Parc Aéronautique du Levant.
Le 17 janvier 1923 il est affecté à la 55ème escadrille du Levant puis le 7 février 1923 à la 53ème escadrille du Levant à Deir- Ez- Zoor, entre les fleuves Tigre et Euphrate.

« La vie de toutes ces unités isolées, très éloignées les unes des autres, prend évidemment un tout autre aspect que dans les Régiments de France. Officiers et sous-officiers habitent sur le terrain dans des bâtiments qui sont en certains points l'œuvre du génie militaire, mais que l'ingéniosité du personnel de l'aviation a parfois créé de toutes pièces. 
Les distractions sont celles de tous les postes que la grande chaleur condamne à l'immobilité une partie de la journée pendant huit ou neuf mois de l'année. Elles conviennent surtout aux chasseurs et aux pêcheurs. Le désert foisonne de troupeaux de gazelles, de renards, de sangliers, de chacals, d'hyènes, et d'oiseaux de toute espèce, et dans l'Euphrate et ses affluents on prend un poisson d'ailleurs excellent, qui pèse jusqu'à 100 kgs. Par contre la baignade, qui y est très dangereuse, est interdite. 
Chaque terrain est doté de mess suffisamment confortables, d'une coopérative, d'une infirmerie, d'une salle de récréation pour la troupe, parfois d'un cinéma. L'ensemble des bâtiments d'un même terrain, y compris les abris des avions est protégé contre les déprédations des pillards et contre les attaques brusquées des bandes par une enceinte de tranchées doublée d'un réseau de fil de fer. Des brèches fermées après le travail aérien sont aménagées pour le passage des avions. Une garde vigilante veille toute la nuit et les escadrilles dressées au combat d'infanterie et au tir des armes automatiques font de fréquents exercices d'alerte. «  (Colonel Gérard, commandant de l’aviation en Syrie)

Il est promu sergent-fourrier le 1er août 1923 et sergent- major le 1er juin 1925. Durant cette période, il renouvelle deux fois son engagement (pour 2 ans le 29 septembre 1924, pour 3 ans le 29 septembre 1926). Suite à la révolte des Druzes, appelée plus tard révolution syrienne ou révolution nationale, il est en opération de juin 1925 à octobre 1926, dans le Djebel- Druze.

Bréguet XIV 39è RAO 1925 coll Bonora
Revenu en métropole en octobre 1926, il est affecté au 3è régiment d’aviation de chasse. De novembre 1927 à juin 1928, à l’issue d’un stage de mécanicien électricien à l’école d’application d’aéronautique, il est breveté mécanicien électricien. A nouveau affecté au Levant, au 39ème régiment d’aviation d’observation, encore doté de vieux Bréguet XIV, il rejoint Beyrouth en juillet 1928. En décembre, il est admis dans le cadre des sous-officiers de carrière et promu adjudant le 1er avril 1929.

De retour en métropole en juillet 1930, il est affecté au 3è groupe d’ouvriers aéronautiques (1) (GOA) à St Cyr. Il est promu adjudant-chef en octobre 1932, mais sans utilité car depuis le mois d’août il a intégré l’école de l’air, alors à Versailles, comme EOA (élève officier d’active) (2). Sous-lieutenant en octobre 1933, il est affecté au 33è régiment d’aviation d’observation sur la base aérienne 121 de Nancy-Ochey le 1er janvier 1934.

Bâtisseur sur la côte des Somalis

Gabode 1936 coll Ladaré
En octobre 1935 il est affecté sur la Côte française des Somalis, au 216° Bataillon de l'Air. Il arrive à un moment important, celui du transfert du terrain d’aviation. En effet, l’escadrille de la Côte française des Somalis (C.F.S) a été créée le 1er avril 1933 sur le petit terrain près des Salines, en fait une demi-escadrille avec trois Potez 25 TOE et un Potez 29 sanitaire détachés du 39ème régiment d’aviation stationné au Levant. Mais l’insécurité du territoire et la tension internationale de l’époque exigent de voir un peu plus grand. Il devient indispensable de créer un vrai camp d’aviation, avec l’espace nécessaire pour des possibilités de développements ultérieurs, tant militaires que civils. 

Nouveau terrain de Gabode (coll Bibert)
Dès juin 1934 le Gouverneur de la colonie décide de procéder aux expropriations nécessaires pour installer un nouveau champ d’aviation, 4 kilomètres plus au sud, dans la vaste plaine d’Ambouli totalement dégagée, en un lieu appelé Gabode ; cette décision est validée le 26 juillet 1934 par le ministre des Colonies, Pierre Laval et le décret signé par le Président Albert Lebrun. Les travaux du « Camp de Gabode », commencent dans la foulée.

Mémoire pour l’attribution de la médaille du Nichan el Anouar (3)

"Le lieutenant Roussel a servi pendant plus de quatre ans et demi à Djibouti.
Bien qu'affecté aux Formations aériennes de la côte française des Somalis, comme adjoint administratif au Commandant de l'Air, ordonnateur secondaire, il a assuré en outre et cumulativement  pendant toute la durée de son séjour les emplois suivant (- commandant du Bataillon de l'Air 216 - commandant du Parc du Bataillon de l'Air 216) emplois que le commandant de l’Air avait été autorisé à lui confier par décision ministérielle, à la suite de l’important déficit en officiers de l’Aéronautique sur le territoire.

Pause dans le désert (au centre, en pantalon)
Dans tous les emplois qu'il a cumulés dans une période particulièrement difficile, alors que la base aérienne de Djibouti (quartier de Gabode) et l'installation des formations aériennes à Djibouti étaient en cours de réalisation, il a toujours fait preuve des plus belles qualités d'énergie, de savoir et de dévouement.

Parfaitement compétent au point de vue administratif,  il a assisté le commandant de l'Air de façon particulièrement sérieuse pour:
-d’une part, la conduite des travaux de l'installation de l'aérodrome et du casernement moderne construit sur la base (au total environ 20 millions de francs de travaux de 1937 à 1940) ;
-d’autre part, la discussion et la conclusion des marchés correspondant à ces travaux, dans une période difficile, par suite des variations des prix consécutives à l'application des nouvelles lois sociales.

Par ailleurs, seul, avec les tirailleurs et la main-d’œuvre indigène, utilisant les matériaux localement disponibles, et quelques crédits demeurés libres après construction des hangars de la base de Djibouti, il a réalisé en 1937 dans les meilleures conditions de confort possible la station d’estivage et de repos du détachement de l’Armée de l’air au centre d’altitude d’Ali-Sabieh et ce sans qu’aucun crédit spécial n’ait été demandé au département de l’air à ce sujet. Cette station a rendu d’immenses services, non seulement au détachement de l’air de la Côte française des Somalis mais encore à tout le corps d’occupation de la Colonie, permettant en saison torride d’y soigner efficacement tous ceux que le climat chaud et humide de Djibouti avait déprimés.

(coll Bibert)
"Ali Sabieh est une localité située en plein bled, à une soixantaine au sud-ouest de kilomètres de Djibouti sur la piste de Diré-Dawa en Éthiopie. Une gare, un poste militaire et un terrain d’aviation de secours y étaient établis. Le lieutenant Félicien Roussel (à g) qui vivait là était sans doute très content d’avoir un peu de visite et de pouvoir offrir l’apéritif à ses hôtes d’un jour." (Joseph Bibert)
Potez 29 TOE en patrouille (coll Bibert)
Connaissant parfaitement la langue arabe, ainsi que les dialectes locaux (Dankaki, Somali), le lieutenant Roussel a rendu de multiples services pendant son séjour, toujours volontaire pour les missions même les plus difficiles. Il a, en particulier, assuré seul, avec des indigènes, le dépannage et le sauvetage de trois avions tombés en panne dans des régions désertiques et dangereuses :

-        - l’un à Timero, près du lac Abbe, à 150 kms à l’ouest de Djibouti, panne au cours d’une liaison avec un peloton méhariste ;
-        - un second au nord d’Obock, au cours d’une liaison avec le poste d’Obock ;
-        - le troisième à Berbera dans le Somaliland.

En outre, le lieutenant Roussel a effectué, avant son séjour à Djibouti, au total 9 ans de séjour en Syrie, ce qui lui donne près de 15 ans hors de France.
A été blessé au cours d’une mission aérienne en service commandé le 10 octobre 1939 à Tadjourah (CFS). [accident survenu à l'atterrissage du Potez 29 n° 106 piloté par le Cne Bilbault (4) (avec à son bord le médecin colonel Colromb, le Lt Roussel et le Sgt. Guyot]

Le cne Bilbault (grand blanc) rencontrant l'aviateur Japy (costume) le 2 décembre 1937 après son raid Istres-Djibouti sans escale (sur Caudron Aiglon) en 25h53 minutes, du 30 novembre au 1er décembre 1937 (coll Bibert)
Tous ces titres paraissent justifier pleinement une proposition pour le grade d’officier du Nichan el Anouar.
Fait à Aix-en-Provence le 28 septembre 1946
Le commissaire ordonnateur de l’air de 2è classe Bilbault
Ex-Commandant de l’air à la Côte française des Somalis du 2 août 1937 au 19 décembre 1940 »

Permis de conduire militaire signé pat le lt Roussel (coll Bibert)

Intendant de l’air, commissaire de l’air et résistant durant la guerre

Il est promu capitaine le 15 mars 1940, avant de quitter, par bateau, la Côte française des Somalis le 2 avril. Le 9 juin, il rejoint la zone aérienne est (ZOAE) puis le 16 août l’intendance de l’air de la 1ère région aérienne, implantée à Aix en Provence.

A compter de janvier 1941, il fait fonction d'Intendant des bases de l'Air à Montpellier. Cependant, le capitaine Roussel est concerné par la loi du 17 juillet 1940 prise par Vichy excluant de la fonction publique tous ceux qui ne possèdent pas la nationalité française « à titre originaire, comme étant nés de père français », car son père est né à l’étranger, à Meix sous Virton (Grand-Duché de Luxembourg). L'intendant de 1ère classe Leduc, directeur de l'intendance de la 1ère région aérienne intervient donc auprès du Secrétaire d'État à l'aviation, à Vichy, pour défendre son subordonné dans le dossier de « demande de relève d'interdiction d'accession aux fonctions publiques » déposé par l’intéressé.

Le 10 janvier 1942, son directeur écrit donc :  "Les brillants services rendus par cet officier au cours de sa carrière, les campagnes qui illustrent son état des services, les missions périlleuses et nombreuses qu'il a accomplies, tant en Syrie qu'en Côte Française des Somalis, au cours de nombreuses heures de vol (209h55) et qui lui ont valu les notes et appréciations les plus élogieuses, les actions de guerre auxquelles il a pris part dans ces territoires, enfin les qualités d'organisateur, l'activité inlassable qu'il a déployée, le sens profond des réalités qu’il a montré en toutes circonstances et qui lui ont permis d’obtenir, dans les fonctions d’intendant de l’air qu’il remplit depuis une année, des résultats remarquables, appréciés à la fois par ses chefs et le commandement, militent en faveur d’une solution favorable à sa demande.

Son départ priverait l’intendance de l’air d’un de ses meilleurs éléments au moment d’ailleurs où l’intéressé vient de se voir conférer la Croix de la Légion d’Honneur, en récompense des grands services qu’il a rendus à l’Armée de l’air et à la France ».

L’issue ayant été favorable, il est admis, le 7 septembre 1942, dans le corps des commissaires de l’air.

Le 10 novembre 1942, il soustrait des matériels, armes et carburants à l'occupant au moment de l'occupation de la Zone Libre. En février 1943, il livre des carburants, équipements et armes au groupe « Bir-Hakeim » du maquis « Aigoual- Cévennes ».

Le 8 octobre 1943, à la suite d’une enquête de la Gestapo, ses adjoints l'adjudant Popouneau (qui sera fusillé à Lyon le 21 février 44)(5) et l'adjudant-chef Weirich (qui sera déporté) et deux auxiliaires féminines (relâchées après 70 jours de détention) sont arrêtés. Lui-même, en mission, passe au travers du coup de filet. Resté à son poste, il est arrêté par la police allemande à Moissac le 11 août 1944, mais relâché par manque de preuves.
Fin août, après la libération de Mazamet - où ses services ont été transférés – il est rappelé à la direction de l’intendance de l’air à Aix.  En novembre 1944, il est nommé chef de service de l’Intendance de l’air de Clermont-Ferrand et directeur du magasin central d’habillement (MCH) de Chamalières (6).

Extrait de l'ordre général n°101 portant citations, notifié le 11 août 1945 : "Officier d'active, remplissant les fonctions d'intendant de l'air à Montpellier, a camouflé des matériels appartenant à l'armée à l'insu des troupes d'occupation. Il a amené ces matériels lui-même par camions en plein maquis, au risque de sa vie. N'a pas hésité, dans des conditions périlleuses et tragiques, d'apporter une aide efficace à la Résistance dont il était un des agents les plus actifs depuis la création du maquis. Recherché et traqué par la Gestapo, a continué à son poste à servir la Résistance"

Il écrit dans un texte du 20 septembre 1944 : « Le service de l’Intendance de l’air de Montpellier a des rapports constants avec le maquis « Aigoual Cévennes » depuis mars 1943. Dès le 10 novembre 1942, j’ai camouflé avec mes propres moyens et pendant un mois tous les matériels « corps de troupe » du magasin annexe de Montpellier. La majeure partie de ces matériels a pu être récupérée et utilisée par l’Armée de l’air de l’Armistice et sans que les Allemands aient pu profiter de quoi que ce soit. […]

Quand la Résistance s’est organisée, j’ai été sollicité par le maquis « Aigoual Cévennes » et j’ai mis à sa disposition des matériels d’habillement, de campement, de couchage ainsi que des pièces d’armement. […]
Maquis Aigoual-Cévennes
Je suis appelé d’urgence le 6 janvier 1944 au Secrétariat de l’Aviation à Vichy où on me fait connaitre que la Gestapo me recherche. Le Lcl Heran, chef du cabinet du Secrétaire d’État, me conseille de me faire mettre en permission pour éviter mon arrestation possible. J’ai refusé catégoriquement, en motivant que mes fonctions ne me le permettaient pas et que j’en prenais la responsabilité sans indiquer à mes chefs de l’administration centrale en quoi consistait mon activité clandestine. […]
J’ai également mis à la disposition du maquis « Bir Hakeim » de Clermont-L’Hérault 2000 litres d’essence camouflés. Après contact de mes services de Montpellier à Mazamet, j’ai remis à la 203è compagnie FTP de Lacaune (Tarn) des armes avec munitions, des effets d’habillement et de couchage. »
Le 25 mars 1945, il est nommé commissaire de l’air de 3è classe (commandant), avec application rétroactive au 25 avril 1944 (suite au décret du 30 mai 1946 , JO du 1er juin), puis promu commissaire de 2ème classe (lieutenant-colonel) en novembre 1947. 

En 1948, il se voit délivrer le certificat d’appartenance aux FFI, document important indiquant aux yeux de tous un engagement resté jusque-là peu connu voire objet de scepticisme, beaucoup s’étant revendiqués « résistants » après la guerre (7). 

Il est admis à la retraite le 1er octobre 1950 sur sa demande, et se retire provisoirement à Clermont-Ferrand.

Poursuivant ses activités dans le civil, il prend la direction du « Centre d'hébergement nord-africain » à Montbéliard de 1951 au 30 juin 1955. Il est promu commissaire colonel le 1er janvier 1958, en raison de sa participation à de nombreuses périodes de réserve.

Il décède le 12 décembre 1964 à Saint Quentin sur Sauxillanges, en Auvergne.

Décorations principales : Titulaire de la Croix de Guerre avec étoile (1945), de la Croix du combattant volontaire (pour faits de résistance), de la médaille de la Résistance (1946) et du « Nichan el Anouar » (officier en 1946), officier de la Légion d'Honneur (1947) ;

Sources : SHD cote AI 1P 28 195/2; Mme Christiane Roussel, fille du commissaire Roussel, M. F-X Bibert et les archives de son père Joseph Bibert, affecté sur la Côte Française des Somalis (site https://www.bibert.fr/Joseph_Bibert_fichiers/Djibouti.htm)

(1)        L'expression "ouvriers d'aéronautique" désignait des militaires, même s’il y avait des personnels civils embauchés dans ces GOA. Ces groupes (ensuite dénommés compagnies et enfin Bataillon de l’air) dépendaient d'un établissement du matériel aéronautique. Les emplois étaient divers et variés : ouvriers (mécanicien, menuisier, magasinier, etc.), employés (secrétaire, dactylo, etc.), mais aussi des fonctions plus militaires comme la sécurité ou les pompiers.
(2)         Dans sa promotion, il y a 8 officiers d’administration dont quatre seront commissaires (les 3 autres étant  Faulque, Brin et Tanguy)
(3)          Ahmed-ben-Mohammed, sultan de Tadjourah, qui commandait de Ras-Ali à Gubbed-Kharab, avait conclu le 21 septembre 1884 un traité de paix et d’union avec le Gouverneur Léonce Lagarde, commandant à Obock, et agissant au nom du gouvernement français. Au-delà de ce traité, il institua en octobre 1887 un Ordre pour cimenter cette union, et il lui donna le nom d'Ordre du Nichan El Anouar, ou « Ordre des Lumières », ayant pour but « de perpétuer le souvenir de l’heureux moment où lui et son peuple s’étaient placés sous le protectorat de la glorieuse France ». Cet Ordre fut approuvé par le gouverneur Lagarde, sous la condition de ne point décerner de décoration sans l'autorisation du gouvernement français et, également, de l’annonce par le sultan de l’abolition de la traite des esclaves.
A noter que Félicien Roussel a été nommé directement Officier dans cet ordre et 8 ans après avoir quitté le territoire, sans doute en raison de la guerre.
(4)     Voir nos articles : « Le commissaire général Louis Bilbault » (juin 2017) et « Histoire du commissariat de l’air 6/7» (octobre 2013)
(5) Né le 4 février 1912 à Saint-Maxire (Deux-Sèvres), fusillé le 21 février 1944 à Villeurbanne (Rhône) ; adjudant-chef, agent administratif à l’intendance de l’Air à Montpellier (Hérault) ; résistant de l’Armée secrète (AS).
         Maurice Popouneau s’engagea dans le premier régiment d’aérostiers à Metz (Moselle) auprès de l’intendance militaire de Tours (Indre-et-Loire) en 1932. Il poursuivit sa carrière et devint comptable en 1938.
        En 1940, l’adjudant-chef Popouneau, marié et père d’un enfant, fut affecté à l’organe liquidateur du bataillon de l’Air à Perpignan (Pyrénées-Orientales), puis il devint chef du service des « fonds » de l’intendance de l’Air de Montpellier créé le 1er janvier 1941.

        Membre de l’Armée Secrète de l’Hérault à partir du 22 juillet 1943, sous les ordres du commandant Pierre Colin, il tenta de faciliter la désertion de soldats luxembourgeois enrôlés de force dans la Wehrmacht. Il avait tout organisé pour leur procurer des vêtements civils et des faux papiers pour leur permettre de rejoindre les Forces françaises combattantes (FFC). A travers son réseau, il parvint à communiquer aux alliés des informations sur les positions allemandes dans la région.

        Dénoncé par un traitre infiltré au sein du groupe de Luxembourgeois, il fut arrêté par la Sipo-SD à Montpellier le 8 octobre 1943, incarcéré dans cette ville, et condamné à mort le 17 janvier 1944 par le tribunal militaire allemand pour le sud de la France, pour « aide à l’ennemi et incitation de soldats allemands à la désertion », puis transféré à la prison Montluc à Lyon (Rhône) le 25 janvier 1944. Il fut à Lyon fusillé le 21 février 1944 au camp de la Doua à Villeurbanne.

        Le site Internet relatif à Montluc apporte les précisions suivantes : « Le 21 février 1944, trois résistants français, Pierre Colin, Louis Maurel et Maurice Popouneau étaient extraits de la prison de Montluc et fusillés sur le site de la Doua, leurs cadavres abandonnés sur place, recouverts au fil des mois par la boue, et exhumés après la Libération par les équipes du Frère Benoît. Entre le 2 octobre 1943 et le 3 juillet 1944, 85 autres prisonniers de Montluc connurent un sort identique, dont 9 jeunes résistants luxembourgeois et 10 inconnus qui n’ont pu être identifiés. »

      En 2003, un fonds d’archives relatives à Maurice Popouneau a été déposé par sa fille, Mme Frugier, aux archives départementales d’Indre-et-Loire. (in Dictionnaire le Maitron)

(version corrigée du 28 mars 2023, par Benoit Colin)

(6) Voir nos articles sur cet établissement, de septembre 2018 et juin 2019

(7) Voir notamment : Olivier Wieviorka " La mémoire désunie. Le souvenir de la Seconde Guerre mondiale en France (1944-2009) " (Seuil, 2010).