Maurice Tardy nait à Bourges le 19 février 1907, à l’époque où l’aviation cesse d’être seulement un vocable pour devenir progressivement une réalité. Le « centre militaire d’aviation » présent dans sa ville depuis la Grande Guerre en témoigne, mais c’est dans l’infanterie, à 20 ans, qu’il effectue son service militaire après l’obtention d’un bac mathématiques.
Au 156ème RI, à Coblence en Allemagne, en « occupation » comme indiqué dans le livret-matricule, il prend goût à cette vie nouvelle. Il est rapidement nommé sergent à la CHR (compagnie hors rang), qui a en charge le service général du régiment, puis suit immédiatement le peloton des élèves-officiers de réserve à Kaiserslautern et signe un rengagement pour une année supplémentaire le 2 juin 1928. Cette option lui permet de s’orienter vers ce qui n’est encore que « l’aéronautique militaire », service de l’Armée de terre en mal de développement, et de se rapprocher de sa région d’origine en intégrant le 5ème GOA (groupe d’ouvriers aéronautiques) d’Avord en août 1928.
Il se spécialise alors dans l’entretien du matériel technique de l’aviation, nouvelle Arme à laquelle la création d’un « Ministère de l’air », la même année, donne une forte impulsion. Sa vocation s’en trouve-t-elle confortée ? Il décide qu’il sera officier.
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L’année 1933 est marquée par la création de l’Armée de l’air au mois de juillet dont les conséquences les plus sensibles, en ce qui le concerne dans l’immédiat, sont d’une part le changement d’appellation de son unité, qui devient « entrepôt spécial d’aviation n°4 » en 1934, et, d’autre part, son reclassement l’année suivante dans le nouveau corps des « officiers des services administratifs ». Promu lieutenant la même année, la palette de ses activités s’enrichit en prenant la responsabilité de la comptabilité financière de l’ensemble de l’entrepôt. Au terme de ces quatre années de formation sur le terrain, sa valeur est reconnue et il est nommé, le 1er octobre 1936, « professeur d’administration » à l’Ecole de l’air, à Versailles (où il fut caricaturé par l’un de ses élèves, Marcel Parnière, PN EMA 37 (3).
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Dans cette Armée de l’air léthargique, un secteur fait preuve de dynamisme : celui de l’administration. Poursuivant le projet avorté avant-guerre de doter l’Armée de l’air d’une autonomie administrative, celle-ci obtient enfin la création d’une « Intendance de l’air ». Dès janvier 1941, Maurice Tardy est l’un des pionniers de cette aventure en créant l’Intendance des bases de l’air (IBA) de Limoges dont il deviendra le premier chef de service (4).
La première génération d’Intendants de l’air, dont fait partie Maurice Tardy, est constituée d’Intendants de fait (« faisant fonction d’Intendant », selon la formule en vigueur) dans l’attente de la parution des statuts relatifs au nouveau corps. La promesse d’intégration d’office n’ayant pu être tenue, c’est sans passer par l’Ecole supérieure d’intendance (ESI), mais sur concours, dont il sort major, que cette génération devient commissaire ordonnateur de l’air (nouvelle appellation des Intendants de l’air) en 1942 après la parution des statuts (4). Le 7 septembre 1942, Maurice Tardy est nommé Commissaire ordonnateur de l’air adjoint, grade équivalent à celui de capitaine qu’il détient cependant déjà depuis plus de trois ans.
Après deux années passées à Limoges, Maurice Tardy termine la guerre, en ex-zone Nord occupée, comme chef de service de l’Intendance de l’air à Tours. La Libération de Paris fin août 1944 permet de regrouper sous la tutelle de la DIAAA (direction de l’intendance et de l’administration de l’Armée de l’air) tous les commissaires ordonnateurs de l’air dispersés par la guerre entre Vichy, Londres et Alger.
Le 13 octobre 1944, il rejoint Paris, où il occupe à la DIAAA le poste de sous-directeur, chargé de l’habillement et des subsistances. En cette période de restrictions alimentaires et de pénuries en matières premières, la tâche est lourde pour un simple capitaine. Mais sa promotion au grade supérieur ne tarde pas. Le 25 mars 1945, il est nommé commissaire ordonnateur de 3ème classe (commandant), mais à titre temporaire. Après un long délai de réflexion, Maurice Tardy demande au ministre de reconsidérer cette nomination qui lui porte préjudice car les comparaisons avec l’avancement de ses collègues montrent de graves distorsions non motivées. Soutenu par son directeur central, le commissaire général Perret qui n’a pas encore la maîtrise de la gestion des commissaires, il obtient partiellement gain de cause auprès du service du personnel de l’Armée de l’air avec une nomination à la 3ème classe à titre rétroactif à compter du 25 novembre 1944.
Ces turbulences, consécutives aux vicissitudes des années de guerre, sont vite oubliées. Sa promotion le 25 septembre 1947 au grade de commissaire ordonnateur de 2ème classe (lieutenant-colonel) intervient dans les délais les plus courts et l’orientation de sa carrière dans la filière du matériel commissariat se confirme. En dehors d’une brève mission en Indochine en février 1950, il reste à ce poste de sous-directeur qu’il occupera pendant onze années consécutives.
Promu commissaire ordonnateur de 1ère classe (colonel) début 1952, il est auditeur de l’IHEDN de 1953 à 1954. En 1956, il est nommé chef du STCA (service technique du commissariat de l’air), futur Bureau technique de la DCCA. Il ne s’intéresse pas seulement au matériel mais, par le biais de l’ANCRA (association des commissaires de réserve), participe activement à la réflexion sur l’emploi de cette catégorie de personnel dans le commissariat (5). En 1960, le commissaire colonel Maurice Tardy (6) est nommé directeur du commissariat de l’air en 4ème région aérienne à Aix-en-Provence, poste qu’il occupe pendant deux ans avant de retrouver à la direction centrale le poste d’adjoint au directeur.
Il quitte l’Armée de l’air le 1er septembre 1964 avec le grade de commissaire général de brigade, après 37 années de service, dont 23 dans le Commissariat
Son départ donne l’occasion au commissaire général Bilbault, directeur central, de souligner que ce pionnier « de la première équipe du commissariat de l’air » était dans l’action « un expert » et dans l’amitié « un homme de cœur ».
Le commissaire général Tardy décède le 7 juillet 1991.
Il était officier de la Légion d’honneur, officier des palmes académiques et titulaire de la croix de guerre 39/45, Commandeur dans l’ordre du Ouissam Alaouite (Maroc)(7).
Commissaire général (2S) François Aubry
Sources
- Dossier individuel du général Maurice Tardy détenu par le SHD, cote AI 1P 388 932.
- Documents fournis par l’un de ses fils, Jacques Tardy.
Notes
1/ Créée en 1925, devenue Ecole militaire et d’application de l’aviation en 1933 puis Ecole Militaire de l’air en 1939, toujours à Versailles. Transférée à Salon-de-Provence après-guerre, l’EMA a été fusionnée avec l’Ecole de l’air (recrutement direct) en 2015.
Cette promotion 1931 est également celle du GBA Marcel Noirot (voir notre article du 4 juillet 2019).
2/ Le service du ravitaillement en matériel d’aviation comportait trois niveaux : les fabrications (Entrepôts spécialisés et centralisés), les magasins généraux, distributeurs et réparateurs (décentralisés et polyvalents) et les « Parcs d’aviation » au niveau des utilisateurs (formations et Ecoles).
3/ A terminé sa carrière comme commandant, décédé en 1989. Voir : http://www.cieldegloire.com
4/voir notre article du 2 avril 1918. « Le recrutement des premiers commissaires ordonnateurs de l’air ».
5/ Cf. revue de l’ANCRA. n°10, Octobre 1957
6/ Dès la parution des décrets 367 et 368 du 28 avril 1953, les livrets matricules intègrent les appellations de grade nouvellement créées, « commissaire + grade » (confirmées par le statut de 1960).
7/ Cette décoration laisse à penser qu’il a rendu d’éminents services à ce pays mais ses états de service n’en gardent aucune trace.