jeudi 27 décembre 2018

Henri Thiolat (1898-1970)

Premier contrôleur général de l’aéronautique issu du commissariat de l’air

En cette fin d’année 2018, la commémoration du centenaire de la Grande Guerre va s’achever.

Cette année 2018 aura été l’occasion pour l’AMICAA de porter un regard sur les racines les plus anciennes du commissariat de l’air, racines qui s’ancrent aux débuts de l’armée de l’air et même de l’aéronautique militaire qui l’a longuement précédée.

Nous avons en effet évoqué les quinze futurs commissaires de l’air qui ont combattu lors de la première guerre mondiale (1), certains brièvement car nés, pour les plus jeunes, en 1898. Si leur répartition entre fantassins et artilleurs a été équilibrée, on note qu’il y eut autant de blessés (trois) dans chacune de ces deux « spécialités ». Contrairement à la génération suivante, il n’y eut aucun Saint-Cyrien dans cette génération du feu.

Le plus âgé fut le commissaire Bardet, né en 1892 qui a quitté l’uniforme à la limite d’âge de colonel, peu après la Libération.

Parmi ces quinze  commissaires-poilus, cinq accèderont aux étoiles (Joseph Perret, Pierre de Broca, Raymond Caillat, Charles Rouganiou et Serge  Habert).

Nous rendons hommage aujourd’hui au commissaire colonel Henri Thiolat qui n’a fait que passer dans un commissariat de l’air encore fortement marqué par l’intendance de l’air, avant d’intégrer rapidement le contrôle général de l’aéronautique, ancêtre du contrôle général des armées (2).

Du certificat d’études à l’Ecole d’administration militaire de Vincennes.

Henri Thiolat naît à Besançon le 3 avril 1898. Une fois passé avec succès son certificat d’études et son brevet supérieur d’études primaires, il se présente pour un engagement volontaire à la mairie de Grenoble le 20 janvier 1917. Il est affecté le 5 août comme simple soldat au 11ème régiment d’artillerie à pied (11e batterie). Deux mois plus tard, gravement blessé à la jambe droite par l’explosion de sa pièce d’artillerie, il termine la guerre au centre d’ouvriers d’artillerie de Bar-sur-Seine. Promu successivement brigadier puis maréchal des logis, il épouse Mireille Bollot le 11 juillet 1921 avant d’opter pour une carrière d’officier grâce à son succès au concours d’entrée à l’Ecole d’administration militaire de Vincennes.

Dans l’aéronautique militaire, puis dans l’armée de l’air.

Nanterre La Folie (photo René Kerzreho)
En sortant de Vincennes, il est affecté dans l’aviation à l’entrepôt spécial d’aviation n° 2 situé à Nanterre-la-Folie (3). Là, comme officier d’administration de 3ème classe (sous-lieutenant), il prend en charge successivement la comptabilité matière, puis la comptabilité finances et la gestion des personnels civils. Promu à la 2e classe (lieutenant), il quitte ce poste d’adjoint le 21 juillet 1928 pour celui de chef de service au parc du camp d’instruction de Cazaux où il obtient son troisième galon le jour de Noël 1930. Alors que l’armée de l’air vient d’être créée, il est muté fin 1934 à la BA 121 de Nancy (toujours dans un parc d’aviation).

Le 29 septembre 1935, il troque son ancien statut d’« officier comptable et d’encadrement de l’aéronautique » contre celui d’ « officier des services administratifs »  et serait probablement devenu commissaire-adjoint si Louis Jacquinot n’en avait décidé autrement (4). Conservant ses fonctions, il devient un spécialiste du ravitaillement technique dans un contexte de forte évolution industrielle pour la construction d’avions militaires.

Comme pour beaucoup d’autres, son année 1940 est cahotique. Il change quatre fois d’affectation et devient « agent de 1ère classe », cette « civilianisation » étant censée permettre de camoufler les effectifs militaires aux yeux de l’occupant. Il n’est donc pas mis en congé d’armistice et devient sous-directeur administratif (major de base) à Bordeaux (BA105) et, à la dissolution de celle-ci, à la base de stockage d’Agen.

L’Intendance de l’air qui est en cours de création recrute le commandant Thiolat pour mettre en place, le 10 mars 1941, une intendance des bases à Marrakech, dont il sera le premier chef de service.

Commissaire et contrôleur

Passant avec succès en 1942 le premier concours pour le recrutement de commissaires ordonnateurs de l’air, il est rétrogradé - pour raison de gestion - comme commissaire de l’air de 3e classe (capitaine) et réside  au Maroc jusqu’en août 1943, date à laquelle il part diriger l’intendance de l’air de Tunis du 19 août à début octobre 1943, service qui avait été abandonné de novembre 1942 à juin 1943 à la suite du débarquement des alliés en Afrique du Nord et des combats contre les allemands en Tunisie et en Lybie.

A. Le Trocquer
Mais c’est à Alger que les choses se passent. Un commissariat à la Guerre et à l’Air a été créé en septembre 1943 (équivalent d'un secrétariat d’État) et confié à André Le Trocquer, grand mutilé de guerre et d’origines modestes lui aussi. Henri Thiolat devient dès le 1er octobre son chef de cabinet militaire adjoint où il est en charge de l’organisation, de la logistique et de l’administration. Le 25 juin 1944, Henri Thiolat retrouve enfin son grade de commandant (commissaire de 2ème classe).

F. Grenier
Lorsque le commissariat à  l’Air se sépare de celui de la Guerre le 4 septembre 1944, le commissaire Thiolat reste au cabinet du nouveau ministre de l’air, Fernand Grenier. Deux mois plus tard, il est désigné pour accompagner ce dernier lorsqu’il réinstalle le ministère de l’air à Balard sitôt Paris libéré.

Comité supérieur de la caisse des offrandes nationales
A peine promu commissaire de 1ère classe (colonel) le 25 septembre 1945, il accède cinq jours plus tard au corps du contrôle de l’administration de l’aéronautique. Veuf, il se remarie en 1948 avec Marguerite Marie Besançon. Son passage au contrôle est marqué par un poste original : il devient membre en 1951 du comité supérieur de la "caisse des offrandes nationales"(5).

Atteint par la limite d’âge, il quitte l’armée le 3 janvier 1957 avec le grade de contrôleur général de 2e classe et se retire à Cagnes-sur-Mer. Il revient ultérieurement dans sa région d’origine où il décède, à Dôle, le 29 octobre 1970.

Commissaire général (2S) François Aubry

Source : dossier individuel détenu au SHD référence GR 15 YD 1680 (consultation soumise à autorisation)

(1) Les 15 de la Grande Guerre sont (avec un * lorsque leur biographie a été diffusée): Gaston Bardet, Joseph Borget, Pierre de Broca*, Paul de Raguenel*, Georges Coste, Raymond Caillat*, Jean Delafon, Eugène Godfroy, Jean Louis Guillaume, Serge Habert*, Pierre Lafuente, Marcel Mercier,  Joseph Perret*, Paul Rouganiou*, Henri Thiolat*

(2) Décret modifié du 28 octobre 1882 portant organisation du corps du contrôle de l'administration de l'armée ; décret du 4 mars 1934 portant organisation et fonctionnement du corps du contrôle de l'administration de l'aéronautique ; décret n° 61-318 du 5 avril 1961 portant création, organisation générale et fixant les attributions de la direction du contrôle et de la comptabilité générale des armées, décret n° 64-726 relatif aux attributions, à l'organisation générale et au fonctionnement du contrôle général des armées

(3) Quartier où est installée l’université ; cf. René Kerzreho "Du camp d’aviation militaire à l’université Paris X- Nanterre"

(4) Voir notre article « Le faux départ du commissariat de l’air », septembre 2017

(5) Institution sociale créée au lendemain de la défaite de 1870 pour soutenir financièrement des familles des militaires de  l’armée de terre ou de mer.