jeudi 5 juillet 2018

Les premiers commissaires ordonnateurs de l’air (épisode 6 : 1945/1947)

par le commissaire général (2S) François Aubry

Suite et fin

Début 1945, la guerre n’étant pas terminée, la récente direction de l’intendance de l’air a pour priorité d’assurer la difficile transition entre la guerre et la paix.
La paix revenue, et contrairement à l’Armée de l’air qui se trouve en sureffectifs, l’Intendance de l’air cherche à recruter massivement pour animer les structures régionales et locales qu’elle a dû mettre en place.
Cette période de transition s’achève par l’abandon formel de toute référence à l’Intendance.


Une adaptation constante aux évolutions de l’Armée de l’air.

Le retour de l’Armée de l’air à l’organisation d’avant-guerre en cinq régions aériennes est acquis le 1er janvier 1945 avec la renaissance de la 3ème Région aérienne à Bordeaux. Des modifications mineures interviennent en 2ème RA avec le dédoublement de l’intendance de Paris et la création de Paris II à Versailles. A peine mise en place, l’Intendance de l’air de Rennes est transférée à Chartres. En 4ème RA, l’intendance de l’air de Salon est déplacée à Marseille. En 5ème RA, peu affectée par la guerre, les six intendances locales restent inchangées.

Sptifire du 1er Corps aérien
Les véritables nouveautés viennent d’ailleurs. D’abord, de la fermeture rapide des implantations  à Londres et à Beyrouth et de l’ouverture, dès 1945, de nouveaux sites : en Afrique orientale (à Madagascar qui prendra en charge Djibouti deux ans plus tard) et en Orient, en Indochine, où le commissaire Cognault, depuis Saïgon, gère le Vietnam et l’Inde. Ensuite et surtout, par l’installation dans l’Allemagne occupée d’une solide intendance de l’air au sein du commandement du 1er Corps aérien confiée au CO3 (commandant) Lamouille avec quatre intendances locales (Friedrichshaffen, Andernach, Fribourg et Spire où existait également un magasin d’habillement)(1). Un officier américain, le colonel Redner,  était placé auprès du commissaire Lamouille.

Le service change de nom

La volonté d’intégration à l’Armée de l’air prend sa pleine signification en juin 1947 lorsque les références à l’intendance de l’air disparaissent dans tous les textes d’organisation de l’Armée de l’air, le « commissariat de l’air » remplaçant définitivement « l’intendance de l’air » (2).

Refaisons le point :  le service du commissariat de l’air dispose d’une quarantaine d’organismes : une direction centrale, la DCAA (Direction du Commissariat de l’Armée de l’Air) et ses trois établissements chargés d’une fonction logistique (Chamalières, Toulouse et Hussein Dey), des directions régionales ou assimilées (anciennement Intendances régionales de l’air) et 27 CA locaux (commissariats de l’air, anciennement Intendances des bases) situés en majorité en dehors de la métropole, spécialisés dans les opérations de vérification des comptes deniers, matière et alimentation (3).

Pour armer cette structure il faut, malgré un contexte général de déflation, augmenter de manière significative le nombre des commissaires.

Le recrutement, une priorité

Certes, le plan prévoyant la création de 260 postes (cf. épisode 5, 1944) est rapidement abandonné avec la suppression du projet consistant à placer des intendants de l’air dans les compagnies de l’air (4), ce qui aurait placé un échelon du service au sein des forces. Mais si, en 1945, le recrutement est de 20 commissaires (chiffre annuel qui ne sera plus jamais atteint), il baisse à onze en 1946 pour tomber à quatre en 1947 (5).

Les conditions normales de ce recrutement sont fixées par l’article 9 de la loi 286 de 1942 (cf.épisode 3, 1942). Cet article transpose dans l’Armée de l’air les règles en vigueur dans l’Armée de terre pour le recrutement des intendants militaires qui s’effectue principalement parmi les capitaines admis au concours d’entrée à l’école supérieure d’intendance (ESI) et ayant passé avec succès l’examen de sortie.

1945
Cre Channeboux
La promotion qui entre à l’ESI le 9 avril 1945 comprend 16 officiers, le commissaire Laurent Salaüe ayant été « dispensé » par le général Valin qui estimait sa présence indispensable à Londres.
Cre Wilzer
Cre Willefert
Cre de Finance
Beaucoup sont issus du corps des officiers des services administratifs de l’air (Aimé Bessieux, Charles Channeboux, Maurice Vaillant, Ernest  Wilzer, Jules Willefert, Louis Paut) tous capitaines à l’exception du dernier qui est commandant depuis trois mois. Les autres sont d’anciens pilotes, soit capitaines (Maurice Arnoult, Jacques de Finance, Jean Joannopoulos- ce dernier devenu officier d’administration entre temps - Jean Trutat) soit commandants (Louis Bilbault, Pierre Bourrel, Jean Louis Guillaume). Le cas du lieutenant-colonel Pierre De Broca, ancien pilote observateur passé directement dans l’administration est particulier (6). Deux sont des ingénieurs de l’air (Guy Le Forestier et Jean Cornillet).
Cre Bilbault

Cre Bourrel

Cre Guillaume
Cre de Broca
Cre Cornillet


La loi de 1942, par le même article 9, fixe les conditions de recrutement dites « au cinquième tour », également sur concours, mais la scolarité à l’ESI étant remplacée par un stage. Deux pilotes sont concernés : le capitaine Guy Monpays, qui vient de faire quatre ans de captivité en Allemagne, et le commandant André Lambert fait prisonnier par les Anglais à Madagascar en 1942. Le commissaire Charles de Malignon, dont le dossier n’a pas été retrouvé, semble avoir été recruté également au cinquième tour en 1945.
Cre Monpays
Cre Lambert

Cre Delafon

En dehors de la loi de 1942, un recrutement latéral et marginal « d’auxiliaires » permet de fidéliser sous contrat des spécialistes détenant une compétence particulière, dans le textile généralement. Jean Louis Bouedo, Marcel Koch et André Zana en bénéficient. Sous le statut de pur réserviste, le CO3 Jean Delafon intègre le commissariat avec des contrats précaires renouvelés tous les trois mois.

1946
L’année suivante se présente sous les mêmes auspices mais les effectifs sont moins importants : quatre stagiaires  seulement partent à l’ESI le 15 octobre (Pierre Deffaut et Baptiste Redonnet officiers administratifs, Lucien Lenoir radio bord et Pierre Bistaudeau ingénieur). La scolarité passe dès lors à deux ans, retardant d’autant, pour certains, la date de titularisation comme commissaire. Un seul commissaire intègre au cinquième tour (commandant Gilbert Mondin) et un seul également à titre d’auxiliaire, Pierre Canac, ancien réserviste de l’intendance militaire.

En 1947, quatre nouveaux stagiaires arrivent à l’ESI, tous capitaines administratifs (Gérard Daume, Henri Delpuget, Raoul des Pommare et Marcel Ripoche), ce dernier issu non de l’EMA (école militaire de l’air) mais des rangs de la Résistance (FFI). Le cinquième tour fournit aussi quatre commissaires : Charles Escoula ancien navigateur, Albert Gardeur ancien Saint-Cyrien, Roger Sampont ancien aérostier, et Yves Fournier administratif EMA 33.  Tous sont officiers supérieurs.

Cre Escoula
Cre Fournier
Deux commissaires ayant quitté le corps prématurément, Raymond Sourrieu retourné à la marine fin 1944 et Adrien Basset ayant profité d’une loi de dégagement des cadres en décembre 1947, le corps des commissaires de l’air comprend une soixantaine de membres au 31 décembre 1947, dont 10% de réservistes. La page de l’Intendance de l’air est définitivement tournée.

FIN

1/ Voir notre article du 26 août 2015 "Mémoires d'outre-Rhin"
2/ Voir notre article du 28 octobre 2017 : « Quand le commissariat de l’air est-il né » ?
3/ les CBA, Commissariats des Bases de l’Air, n’apparaîtront que l’année suivante.
4/   bataillon de l’air, compagnie de l’air : unités de soutien administratif (jusqu'à la suppression des bases brigades en 1964 et la nouvelle organisation de la base aérienne fixée par l'instruction n° 1257)
5/pour la même année, les chiffres du recrutement peuvent varier selon que l’on prend ou pas en compte les stagiaires de l’ESI qui n’ont pas encore, pour la plupart, un grade officiel de commissaire.
6/ voir notre article du 6 juin 2017.

Sources : dossiers individuels  détenus par le Service Historique de la Défense (livrets matricules ou états signalétiques et des services).