lundi 20 novembre 2017

Un commandant de base et « sa » commissaire.

Avant-dernier article de notre série commémorant les 40 ans du premier recrutement d’une femme commissaire de l’air. 


Ce mois-ci, article n°6, la tribune est ouverte à un ancien commandant de base, le général Longuet (alors colonel), que nous remercions, ancien commandant de la force aérienne de combat, parmi les premiers à avoir eu un commissaire féminin parmi ses chefs de moyens .


BA 133 Nancy-Ochey 1992, le début de  l‘aventure humaine  la plus riche et la plus forte de toute ma carrière : le commandement d’une base (mouture 20ème siècle i.e . un chef, des missions et des moyens !) : une responsabilité qu’on assume directement sans avoir eu le parcours initiatique de «  second » comme dans les postes précédents. Et me voilà commandant de base au terme de la phrase rituelle mais ô combien symbolique : « vous reconnaîtrez le Colonel pour votre chef et vous lui obéirez etc… ».  Il faudra donc que je me fasse obéir même par le Commissaire. Il faut dire qu’un cursus strictement « Personnel Navigant (PN) » m’avait donné la perception d’un commissariat plus enclin à une approche administrativo-réglementaire qu’opérationnelle. Il ne m’a fallu que peu de temps pour effacer ce préjugé erroné.

J’ai d’emblée trouvé un officier féminin (mais n’abusant jamais de sa féminité !) exerçant sa fonction de chef à part entière, un chef exigeant mais donnant beaucoup de son temps et de son énergie, un chef tout autant respecté et aimé par ses subordonnés qu’apprécié par ses pairs pour sa solidarité.
Dans la « jungle » de la réglementation administrative, elle savait toujours interpréter les textes pour « coller » au mieux à mes orientations et aux besoins des unités opérationnelles. Son expertise juridique m’a été précieuse dans bien des situations en sachant me tempérer avec tact  (et fermeté parfois) là où ma fâcheuse tendance à toujours mettre « la manette dans le phare » aurait pu me causer quelques ennuis…

Militaire dans l’âme, je ne l’ai jamais vu prétexter un statut d’officier des services pour se soustraire aux tâches strictement militaires ; lorsqu’elle défilait à la tête des troupes sur la belle place Stanislas à Nancy, je vous laisse imaginer tout l’intérêt que les autorités civilo-militaires locales portaient subitement à la BA 133 au grand dam de mes camarades chef de corps qui m’accusaient « d’anti jeu ».

Le colonel (*) et son staff
Sportive accomplie, il nous arrivait, mes chefs de moyens et moi-même, de la maudire lorsqu’elle nous extirpait sans pitié de nos bureaux pour un jogging « salutaire selon elle pour notre cholestérol » même lorsqu’il y avait une météo à ne pas mettre un avion dehors.

Une anecdote pour terminer : au premier déjeuner officiel suivant ma prise de fonction, quel ne fut pas mon effarement lorsque le serveur s’avança vers elle pour lui faire goûter le vin !!! A l’issue du repas, je lui ai expliqué que « plus jamais ça ! ». Elle m’a répondu qu’il ne s’agissait pas d’un abus de pouvoir du commissaire responsable de la restauration (et donc des spiritueux !) mais que mon prédécesseur, allergique à l’alcool, l’avait désignée comme taste vin es qualité…..

Bref, pour conclure, j’ai été le plus heureux des hommes et des commandants de base pendant ces deux ans dans un « job » sans égal : je le dois aux hommes et aux femmes que j’ai eu l’honneur de commander, à mon équipe de commandement et un immense merci à ma commissaire qui m’a fait découvrir la valeur ajoutée essentielle du commissaire de base : maintenant je suis converti, j’aime le commissariat, du moins celui qui existait « de mon temps » !

Hervé LONGUET