Jacques Primault (ECA75)
Les modes de recrutement des intendants de l’air, des commissaires ordonnateurs de l’air puis enfin des commissaires de l’air ont évolué avec le temps, de 1942 à 2009. En simplifiant, deux périodes distinctes peuvent être identifiées :
• de 1942 à 1952, l’intégration dans ce nouveau corps d’intendants de l’armée de terre – dans les premiers temps - et d’officiers de l’armée de l’air, parfois pilotes mais généralement administratifs, issus de l’Ecole Supérieure d’Intendance ou sur concours d’admission pour les plus anciens ;
• de 1953 à 2009, le recrutement sur concours externe, complété classiquement par deux concours internes (lt-col et capitaine), un recrutement rang et, depuis 2004, des contractuels.
Durant la première période, les intendants de l’air puis les commissaires-ordonnateurs de l’air proviennent, suivant le système en vigueur dans l’armée de terre, d’autres corps d’officiers et sont intégrés dans le service sans transition par la nouvelle école des officiers de l’Armée de l’air.
Dans la seconde période, grâce au recrutement direct, le profil des commissaires se trouve peu à peu modifié, rajeuni, la moindre expérience étant compensée par une vision nouvelle, sans a priori, de ce que doit - peut - être une « bonne administration » dans un environnement opérationnel. Malgré l’affectation dans les CBA de cette nouvelle génération de commissaires, jusqu’au début des années 70*, ceux-ci vont rapidement acquérir une nouvelle image auprès de leurs camarades aviateurs, qu’ils ont côtoyé à Salon.
Pour autant, les premiers commissaires ordonnateurs ont structuré fortement le nouveau service et créé les prémices d’un commissariat de l’air adapté à son temps, réactif et pleinement en phase avec son environnement d’armée. Nous en avons une belle illustration avec le commissaire colonel Daniel Cognault, cité dans un article récent du commissaire général François Aubry sur l’opération 700 (Mousquetaire) à Chypre.
Mécanicien dans l’aéronautique militaire
Né le 27 mars 1906 à Perpignan, Daniel Cognault doit arrêter assez tôt ses études pour des raisons familiales.
A 18 ans, engagé volontaire pour quatre ans à la mairie de Perpignan, il est affecté le 25 avril 1924 au 2ème Groupe d’ouvriers d’aviation à Nîmes, comme soldat de 2è classe, en qualité d’élève mécanicien. Nommé caporal le 12 février 1925, il est affecté le 20 mars au Groupe d’ouvriers d’aviation à Cazaux, avant de rejoindre un an plus tard, le 1er avril 1926, l’escadrille de chasse biplace.
Nommé sergent le 12 octobre 1926, il est dirigé sur Versailles pour suivre des cours d’électricité.
Versailles 1926 |
A l’issue, en juin 1927, il est affecté au 32è régiment d’aviation en qualité de mécanicien-électricien. Deux ans plus tard, le 16 avril 1929, il est admis dans le corps des sous-officiers de carrière.
Il rejoint en juin la 13ème Compagnie d’ouvriers aéronautiques à Bordeaux, en tant que moniteur à l’atelier avions.
Le 1er octobre 1931, il est admis comme élève-officier à l’École militaire et d’application de l’aéronautique à Versailles, où il sort en première place de la division du personnel non navigant, avec une notation élogieuse.
Officier dans la nouvelle Armée de l’air
Nommé sous-lieutenant le 1er octobre 1932, il est affecté au 2ème Parc d’aérostation à Toulouse en qualité d’officier comptable, adjoint au chef de la comptabilité. C’est à ce poste qu’il est promu lieutenant le 1er octobre 1934.
Cap Padaran |
Des tenues variées à Saïgon (au centre) |
Potez 25 |
C’est sur ce territoire qu’il apprendra à piloter sur Caudron Aiglon et obtiendra le brevet de pilote de tourisme, « voulant tout connaître du métier d’Aviateur » comme le soulignera plus tard le directeur central du commissariat de l’air.
Il est promu capitaine le 15 juin 1939. De retour en métropole le 19 mai 1940, il est affecté comme chef de la comptabilité à la base aérienne de stockage n°108 à Montpellier, dont il dirige l’organe liquidateur à sa dissolution en fin d’année. En janvier 1941, il est placé d’office en congé d’Armistice, avant d’être rappelé un mois plus tard et affecté au dépôt de stockage de Lyon, comme sous-directeur des services administratifs. Il n’y reste que six mois car, dès septembre, il rejoint le parc régional n°91 à Istres, à nouveau comme chef des services administratifs.
Commissaire ordonnateur de l’air
Le 1er mars 1942, il suit cette fois les cours de l’École supérieure d’Intendance à Marseille avant d’être admis en avril 1943 dans le nouveau corps des commissaires ordonnateurs de l’air (auparavant dénommés intendants de l’air), à nouveau avec une notation élogieuse. Commissaire ordonnateur adjoint (capitaine), il est nommé successivement dans deux « Intendance de l’air » nouvellement créées et dont il sera le premier chef de service, en juin l’Intendance de l’air de Dijon (futur CBA 750) puis, en septembre, l’intendance de l’air de Paris, installée près de la direction de l’Intendance de l’air en zone nord, 35 rue Saint Didier dans le 15ème arrondissement.
Le 1er février 1944, les manifestations d’hostilité de l’occupant à l’égard de la Direction de l’Intendance de l’Air contraignent l’Intendance de l’Air de Paris à entrer en quasi-clandestinité. Elle se transforme en « section Air de la Direction de l’Intendance de l’Air de Paris » et s’exile discrètement dans un immeuble du boulevard Saint-Martin.**
Le 1er juin 1944 le commissaire Cognault est placé en position hors cadres pour occuper un emploi de secrétaire général à la défense terrestre, ce qui est - peut-être - un poste de couverture en ces temps incertains. C’est durant ce même mois de juin qu’il passe son baccalauréat, démontrant une nouvelle fois une qualité reconnue par ses chefs successifs : « Travailleur inlassable et perfectionnant sans cesse ses connaissances ».
La Libération
Début septembre 1944, il retourne à la direction de l’Intendance de l’air de Paris I (la zone d’attribution étant la région parisienne, futur CBA 752), puisqu’une seconde direction est créée pour la capitale (Paris II, futur CBA 753).
Un document déclaratif d’août 1944, demandé à tous les militaires en poste sous Vichy, comprend une rubrique dénommée : « Participation à la résistance ou raisons pour lesquelles l’intéressé n’y a pas participé ». L’intéressé déclare : « Mon service, très chargé, ne m’a pas permis de prendre part à la résistance autrement qu’à titre individuel ». Dans la rubrique « avis de la sécurité militaire », il est mentionné : « rien de défavorable ». Le 11 novembre 1944, il renseigne un document « Déclaration de loyalisme à la nation » où il rappelle ses emplois occupés depuis juin 1940 et déclare sur l’honneur n’avoir jamais appartenu à l’un des 22 groupements de trahison dont la liste est donnée (comprenant, pour les plus emblématiques, la Milice, la LVF ou la Waffen SS).
La fonction à Paris I comprend également, à partir de janvier 1945, la direction du magasin régional d’habillement (MRH) de la 2ème région aérienne, implanté d’abord dans la caserne de Limoges à Versailles puis, en juin 1945, dans une ancienne usine, rue Faidherbe à Paris 11ème. Sur place, le quotidien est assuré par un gestionnaire.
Promu commissaire ordonnateur de 3è classe (commandant) le 25 septembre 1945, il est affecté en novembre comme chef du service de l’Intendance de l’air de Saïgon, sous l’autorité d’un directeur de l’Intendance de l’air en Indochine, où il va contribuer à créer le commissariat de l’air du corps expéditionnaire français en Extrême-Orient. En mai 1947, il est rapatrié sanitaire et rejoint en août « l’Intendance des bases » de Paris II, comme chef de service. De juin 1948 à juillet 1950, il est affecté au CBA 753 de Versailles, où il est promu Commissaire ordonnateur de deuxième classe (lt-colonel) le 1er octobre 1948. On notera d’ailleurs que les commissaires ordonnateurs sont, à cette époque, gérés à l’avancement par le service du personnel de l’Armée de l’air (SPM) et non par la direction de l’Intendance et l’administration de l’Armée de l’air
Chamalières |
Commissaire de l’air
Brazzaville |
Avec le coffre à Aix en 1957 |
A cette date, placé une nouvelle fois en position « hors cadres », il est mis à disposition du Délégué général du Gouvernement en Algérie, en qualité de Secrétaire général du service de formation des jeunes. Reconnu comme ayant une « très forte personnalité », il assure la surveillance et le contrôle administratif de l’ensemble des organisations de ce service. A ce poste, « remarquable de courage et de sang-froid, il se déplace fréquemment en zones d’insécurité », ce qui lui vaut la remise d’un témoignage de satisfaction.
Réintégré dans les cadres le 1er juillet 1962, il est affecté en septembre à l’Inspection générale du commissariat de l’air, en qualité d’adjoint à l’inspecteur général.
Il est affecté en août 1963 comme adjoint au directeur du commissariat de l’air en Algérie et du CBA 761, à La Réghaia, avant de prendre la direction du service le 1er janvier 1964, après le transfert de La Réghaia à Oran.
Atteint par la limite d’âge, il quitte l’Armée de l’air le 1er avril 1964. Le commissaire général inspecteur Louis Bilbault, DCCA, lui transmet une lettre très élogieuse :
« Mon colonel,
La limite d’âge, barrière inexorable, vient de vous atteindre, en pleine activité, alors que vous assuriez la direction de notre service en Algérie.
J’ai l’honneur de vous apporter ici l’expression sincère et profonde de tous les sentiments affectueux et reconnaissants que conservent, à votre égard, tous ceux qui ont été amenés à travailler avec vous comme chefs ou subordonnés, aussi bien dans l’Armée de l’air en général que dans son service du commissariat en particulier, au cours de votre longue carrière commencée le 17 avril 1924.
Cette carrière vous a conduit à occuper pratiquement de nombreux postes aux divers échelons du service du commissariat de l’air, et est particulièrement marquée par votre désir de servir outre-mer et votre esprit d’aventure, qui vous ont amené hors de la métropole une bonne partie de cette carrière (Indochine en paix et en opérations, Chypre en opérations, AEF en paix, AFN en opérations, enfin Algérie en paix).
Bien que maintenu affecté, par votre formation de base (EMA) puis supérieure (ESI) dans des postes administratifs, vous avez désiré tout connaître du métier d’Aviateur et avez obtenu à titre personnel, votre brevet de pilote en 1937.
Partout, votre valeur technique et militaire, votre conscience professionnelle, votre sens du devoir, votre modestie ont souligné votre personnalité et marqué l’œuvre utile au bien commun de l’Armée de l’air que vous avez accomplie.
Que cette lettre soit pour vous la marque des remerciements de l’Armée de l’air et de son service du commissariat, auxquels je vous demande de me permettre de joindre mes remerciements personnels, pour votre action qui restera comme un exemple dans le souvenir de tous. »
Daniel Cognault poursuit durant quelques années des activités en matière comptable, avant de se tourner, étant un bibliophile averti, vers le monde du livre et de la reliure. Il décède brutalement d'une crise cardiaque le 12 août 1972 à Salins-les-Bains (Jura), où il est inhumé.
Officier de la Légion d’Honneur, Médaille Coloniale, médailles commémoratives Indochine et Algérie, Croix du combattant, décorations étrangères (chevalier du Million d’éléphants et du Parasol blanc ; chevalier de l’Ordre du Dragon d’Annam)
*cf. article du 5 novembre 2016
** in « Histoire de la 2ème région aérienne » commissaire général Meyer-lieutenant-colonel Lambert 1991