dimanche 5 juin 2016

Du CATA au Golfe en 1991

Une affectation à éclipses au CATA de Metz (1990-1992)
Commissaire général (2S) Michel Vallecale (ECA70)

Dans un texte précédent sur le commissariat de l’air à la fin du 20ème siècle, l’auteur a évoqué le fait que le déclenchement des crises majeures et des OPEX intervenait souvent le week-end ou en périodes de vacances. Cela lui a rappelé la première guerre du Golfe en 1991 et son vécu à ce sujet.  

Mon propos ne décrit rien de vraiment glorieux ou transcendant mais se veut le témoignage d’une expérience personnelle. Certains y trouveront sans doute des imprécisions ou des oublis qu’ils rectifieront d’eux-mêmes. En le rédigeant,  j’ai eu des pensées pour  Olivier Simon (ECA72, †2006) et Jean-Marc Bourdeau (ECA80, †2012), les deux commissaires successifs de la base aérienne d’Al-Asha  en Arabie Saoudite.


1er acte
Septembre 1990, j’ai quitté depuis quelques jours mes fonctions de commissaire de la base aérienne 128 Metz-Frescaty pour devenir, d’un saut de puce, directeur du Centre administratif territorial de l’air 851 (CATA 851) implanté à Montigny-les-Metz dans l’enceinte du quartier Reymond, emprise relevant de la BA 128, toute proche.

Depuis le mois d’août 1990, l’Irak a envahi le Koweit et, tout en prenant mes marques dans mes nouvelles fonctions, je sens bien, comme tout le monde, que la tension monte dans le Golfe et que quelque chose se prépare…Toutefois, rentrée scolaire oblige, je profite de la matinée de ce samedi de septembre pour accompagner mon épouse dans nos achats domestiques.

A notre retour en fin de matinée, notre fille me dit « Tu dois rappeler le directeur du commissariat de la Fatac-1°RA à son bureau ! ». Pas vraiment surpris de cette précision, je rappelle le directeur pour apprendre qu’une base aérienne va être implantée en Arabie Saoudite et que celui-ci a recherché, en ce samedi matin, un commissaire disponible pour un départ à très brève échéance. Rappelons- nous qu’en 1990 le téléphone mobile n’est pas encore un objet courant et que les appels du directeur ont été effectués aux domiciles des commissaires auxquels il pensait pour ce poste. Naturellement, en ce samedi matin, plusieurs appels sont restés sans réponse mais un commissaire de base est finalement désigné pour ce départ rapide avec un échelon précurseur…..J’ai donc loupé le coche…. tout comme d’autres sans doute !

Fidèle à ses principes et à sa réputation, la FATAC se met en ordre de bataille et la BA 128 monte en puissance dans sa fonction de soutien.

 Au cours de notre conversation, le directeur m’explique que cette montée en puissance est un peu laborieuse en ce début de week-end et que mon passé récent de commissaire de la BA128 serait de nature à mettre de l’huile dans les rouages car mon successeur, célibataire géographique, est à l’autre bout de la France ce week-end !

Je rejoins donc mon ancien poste et accompagne mes anciens subordonnés dans la préparation du  départ de cet échelon précurseur avec ses besoins administratifs, financiers et logistiques.

PC du Fort de Guise aujourd'hui
En début d’après-midi, je retrouve le directeur régional à son bureau pour lui rendre compte de la mise en route des services de soutien de la BA 128  car  la FATAC est passée sur le pied de guerre (tenue de combat, activation du PC Guerre au Fort de Guise dans la banlieue de Metz, réunion de crise en fin de journée pour la création de cette base aérienne d’environ 400 personnes quelque part en Arabie….. !!!). Je suis donc requis (privilège du plus ancien dans le grade le plus élevé !) pour représenter le commissariat au fort de Guise avec les chefs de division de la direction qui ont pu être rappelés et présents.

Vers quinze heures,  je pénètre (en tenue de combat !) dans le fort de Guise et c’est à cet instant que s’achève mon séjour à temps complet au quartier Reymond.. !!
Je ne vais ressortir du Fort de Guise que le lundi suivant en fin de journée, après quarante- huit heures d’agitation intense pour définir, préparer et faire rassembler les moyens « commissariat » destinés à cette base aérienne de combat…..sans connaitre son lieu d’implantation exact en Arabie Saoudite et avec pour toute documentation une carte Michelin, achetée à la FNAC de Metz par un sous –officier de la Direction !

2ème acte
De mon côté,  j’avais rapidement récupéré à mon domicile quelques vêtements et affaires de toilettes car je pressentais, en vieil habitué de la FATAC, que mon séjour au PC Guerre allait durer.
Avec les quelques officiers et sous-officiers de la direction régionale embarqués comme moi dans l’aventure,  nous avons tenté de répondre à la principale question des logisticiens de la FATAC (bureau transports, je crois) : quel volume et quel tonnage de matériels commissariat faudra-t-il acheminer sur place ?

Au fur et à mesure de ce week-end particulier, d’autres questions se posèrent à nous : devises, stocks d’eau et denrées alimentaires, effets d’habillement, procédures administratives, organisation d’une fonction restauration et du campement, etc……..Tout cela toujours sans connaitre le lieu et les conditions d’installation dans ce pays que nous découvrions.

Avec le commissaire désigné, arrivé par hélicoptère de Dijon avec le paquetage qu’il s’était défini lui-même, nous avons passé la soirée à préparer la désignation des personnels « commissariat » pour constituer la première équipe qui serait mise en place. Ayant pour consigne de ne faire appel qu’aux seuls personnels de la FATAC-1°RA, nous avons choisi intuitu personae les secrétaires, comptables, gérants, cuisiniers parmi nos connaissances et à partir de l’opinion que nous avions des intéressés quant à leur aptitude à affronter les circonstances !

Toujours est-il,  qu’après avoir peu dormi et beaucoup téléphoné,  nous avons rendu en temps et en heure notre copie « commissariat ». L’échelon précurseur de cinq officiers, dont le commissaire, a donc décollé pour Ryad le lundi matin sous la conduite du général commandant le dispositif, pour rejoindre ensuite une base dénommée Al Asha.

Il me souvient qu’avant de quitter le PC guerre le lundi en fin d’après-midi, nos préparatifs avaient été jusqu'aux moyens de loisirs et de sport à prévoir pour le personnel…..c’est dire ! Dans le même temps, les bases aériennes de la FATAC-1°RA acheminaient vers Metz les matériels et équipements que nous avions prélevés sur leurs stocks, le tout étant rassemblé dans des hangars ad hoc.

3ème acte
De retour à la direction régionale en cette fin de journée du lundi - le réflexe du compte-rendu bien entendu - je constate en passant que du mobilier de bureau a été installé dans le bureau du directeur adjoint  pour le « coordinateur du soutien commissariat en Arabie »... que je deviens dans l’instant !
Pendant que le directeur adjoint exerce ses fonctions habituelles et prépare plus spécialement la fusion à venir entre 1°RA ET 2°RA,  car la vie continue, le directeur du CATA que je suis va prendre en charge,  avec les divisions de la direction,  le soutien de ce qui deviendra l’opération Daguet.

Commence alors pour moi une période de « triangulation géographique » entre Frescaty (direction régionale), le quartier Reymond (CATA) et parfois le Fort de Guise pour le briefing opérationnel de la FATAC.

Je dirige le CATA à distance avec l’aide de mon adjoint et des chefs de division (grand merci à eux). Muni des multiples clefs du bâtiment j’accède à mon bureau tard le soir tel un fantôme dans des locaux déserts pour le courrier et les signatures de parapheurs. Mes collaborateurs ne me voient quasiment qu’une fois par semaine pour le rapport hebdomadaire.

A la direction, c’est un rôle de coordination qui m’accapare au titre du soutien d’une OPEX exigeante et aux besoins multiples. Ce soutien deviendra encore plus dense au moment de la phase dure  du conflit (janvier 1991) et j’ai particulièrement en mémoire ma liaison téléphonique avec le commissaire à Al-Asha  au petit matin du déclenchement des opérations aériennes (nous en parlerons souvent ensemble dix ans plus tard quand nous fréquenterons les couloirs de la DCCA).

4ème acte
En avril 1991,  les opérations militaires s’achèvent mais pas de retour pour moi au Quartier Reymond, car je pars en Arabie pour une mission de surveillance administrative finale. A mon retour, tout le monde s’étant habitué à ma présence à la direction, je mets un doigt dans les préparatifs de la fusion des deux régions (voir plus haut) et rattrape mon retard dans les missions de surveillance administrative dont j’avais la charge sur le territoire de la FATAC-1°RA. Avec pour conséquence une présence toujours très « allégée » au CATA… !

En juillet 1991, alors que se rapproche la fusion des deux entités territoriales du nord de la France, je navigue toujours entre deux bureaux ! Cela me vaut d’être présent à point nommé à la direction pour saisir l’opportunité d’être désigné comme commissaire de l’opération Aconit (Kurdistan) d’août à décembre 1991……m’éloignant à nouveau du quartier Reymond vers le Moyen-Orient !

A l’été 1992, je quitte définitivement le quartier Reymond…pour un retour sur le site de Frescaty, afin de devenir pour un peu plus d’une année commissaire conseiller du général commandant la FATAC. Sur les deux dernières années, ma présence physique à temps plein au Quartier Reymond peut être estimée à environ six mois !

Je rends  hommage aux personnels du CATA qui, malgré un directeur très intermittent, ont assuré pendant ce temps leur mission au profit de leurs 15 000 administrés de l’époque. Merci également aux équipes de la direction régionale d’avoir si bien œuvré au soutien de cette OPEX historique avec pour coordinateur un « intrus », pas prévu au tableau d’effectifs ni même affecté en surnombre.

Vue aujourd’hui de mon village bas-alpin, cette situation particulière me laisse penser que déjà, à l’époque, le commissariat de l’air savait manager des processus « de bout en bout », avec réactivité et efficacité !

                                                                                        Michel VALLECALLE (ECA 1970)