samedi 28 juin 2014

Commissaire et délégué au patrimoine


La mémoire conservée
Par le commissaire général (2S) Henri Mulotte*

(in Les cahiers de Mars – n° 147 4ème trimestre 1995)

Certains termes d’organisation sont bien sûr à actualiser dans cet article de 1995 mais l’esprit demeure en 2014, année anniversaire du centenaire de l’arme aérienne, des 80 ans de l’armée de l’air et des 70 ans de la disparition d’Antoine de St Exupéry.
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Au fil des décennies, l'armée de l'air s'est bâti un superbe patrimoine. C'est la raison pour laquelle elle a aujourd'hui un «devoir de mémoire ». En clair : le devoir de préserver et de faire connaître les richesses de cette armée.
Malgré sa relative jeunesse, l'armée de l'air s'inscrit dans le paysage historique de la France. Depuis le ballon de Fleurus jusqu'à l'avion Rafale, elle est héritière d'une histoire prestigieuse, sur le plan des techniques comme sur celui des hommes. Face à cette histoire, elle est chargée d'un «devoir de mémoire» ayant pour but la préservation et la mise en valeur de son héritage tout en accentuant son propre rayonnement.

En effet, l'armée de l'Air dispose d'un patrimoine important et varié sur le plan humain comme sur le plan mobilier et immobilier.

Conformément aux dispositions du protocole Défense-Culture du 24 mai 1994, cet héritage doit être préservé et mis en valeur sous tous ses aspects : monuments, musées, archives, cinéma, musique, mobilier, archéologie, pour permettre à l'armée de l'Air d'être consciente de son rôle et de son avenir. Ainsi, elle participe à des actions destinées à sauvegarder et à conserver ce patrimoine aussi bien vis-à-vis de la collectivité nationale qu'au sein même de l'institution militaire.

Dans cette optique, parallèlement à des organismes renommés comme le musée de l'air et de l'espace et le Service historique de l'armée de l'air, une commission permanente du patrimoine aérien et spatial (CPPAS) a été mise en place en 1994. Elle est chargée de déterminer au niveau supérieur la politique patrimoniale et culturelle de l'armée de l'air et d'organiser les actions à mener dans ce domaine. Cette commission, placée sous la présidence du chef d'état-major de l'armée de l'Air, est composée de représentants de l'état-major, des directions de services et d'organismes extérieurs  compétents. Le président de la CPPAS est assisté d'un secrétaire général, délégué au patrimoine de l'armée de l'Air chargé de suivre toutes les questions de patrimoine à l'intérieur de l'armée de l'air.

Le délégué doit notamment coordonner toutes les actions liées au patrimoine aérien et spatial, assurer les liaisons nécessaires entre l'armée de l'air et les responsables du patrimoine du ministère de la défense ou d'autres ministères. Il veille, par ailleurs, à la conservation du patrimoine de l'armée de l'air et à l'entretien des lieux de mémoire. Il est associé aux actions culturelles impliquant le patrimoine aérien ou spatial et susceptibles de contribuer au rayonnement de l'armée de l'air comme les journées du Patrimoine, le temps des Livres ou la Fête de la musique.

C'est ainsi qu'il a récemment participé à une commission spécialisée pour la conservation du patrimoine fortifié méditerranéen, l'armée de l'air occupant le fort du Mont-Agel du type « Séré de Rivières (1) ».
Au niveau régional, un correspondant «Patrimoine» désigné par le commandant de région aérienne met en œuvre ces actions patrimoniales et culturelles en liaison avec les collectivités locales et les administrations civiles.
Sur le plan local, le «devoir de mémoire» incombe aux bases aériennes, où bat le cœur de l'armée de l'Air.
Aujourd'hui (en 1995), des directives ont été données par le chef d'état- major de l'armée de l'air pour promouvoir le patrimoine notamment en développant le rôle de l'officier «Traditions », chargé de mettre en valeur l'histoire et les traditions militaires de la base aérienne, des unités y stationnant, des grands commandements orientant leur action. De même, un correspondant «culture» ou «patrimoine» doit être désigné pour mettre en œuvre les différents programmes d'actions culturelles et être l'interlocuteur privilégié des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) et de l'ensemble des partenaires culturels concernés.

De surcroît, le chef d'état-major de l'armée de l'air souhaite créer sur chaque base aérienne un musée consacré à la présentation de son patrimoine historique, de son environnement humain, de ses rapports avec les collectivités locales, de son rôle dans la vie économique, sociale, humaine de la région, de ses unités et de ses personnels, des matériels et équipements en relation avec son histoire. Ce service devra être accessible au public sous certaines conditions et son animation pourra être confiée à des cadres de réserve bien implantés dans le milieu local et à des militaires du contingent compétents en matière artistique et culturelle.

D'autres initiatives ont été également proposées comme la réalisation d'un inventaire, sous le contrôle du secrétaire général de la CPPAS, du patrimoine considéré comme «digne d'intérêt» sur le plan historique, artistique, aéronautique et technique. Ce patrimoine est soit mobilier : objets, tableaux, œuvres d'art, bibliothèques, collections, souvenirs, matériels retirés du service, aéronefs déclassés ...,soit immobilier : hangars, ouvrages fortifiés, installations aéronautiques. A cela, il convient d'ajouter le développement de activités internes telle que la création de sites de lecture dans le cadre du protocole Défense-Culture, puis le recensement et l'entretien des lieux de mémoire, à savoir des stèles, monuments, plaques commémoratives qui témoignent par leur présence de l'héroïsme et du sacrifice des générations passées.

L'action du délégué au patrimoine est complétée par celle du Service historique de l'armée de l'Air (2) qui vient de célébrer le 50e anniversaire de sa naissance et dont le rôle est essentiel comme conservateur d'archives, centre d'études et de recherches et gardien des traditions et de la symbolique de l'aviation militaire.

Toutes ces actions culturelles et patrimoniales s'inscrivent dans la durée. Le cadre est mis en place mais les résultats dépendront de la prise de conscience des responsables de tous les niveaux et des contraintes auxquelles ils doivent faire face.

En rappelant en toutes circonstances le «devoir de mémoire », l'armée de l'Air a l'ambition de faire apprécier toutes ses richesses aussi bien techniques qu'humaines et d'apporter une aide aux générations futures soucieuses de connaître leur histoire et leur identité.

(1) Voir «Un Vauban méconnu, le général Séré de Rivières » par Jean Motin (RHA n°1-1995)
(2) Aujourd’hui Service historique de la défense
*Ancien délégué au patrimoine de l’armée de l’air (1994-2001)