dimanche 16 mars 2014
L'habillement
Petit retour en arrière sur les réflexions du ministère, en 2011, sur la politique à mener en matière d'habillement*
Audition le 26 avril 2011, ouverte à la presse, du commissaire-général Jean-Marc Coffin, directeur central du commissariat des armées, sur le marché de l’habillement, devant la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire-
Mission d’évaluation et de contrôle, de l'Assemblée nationale, sous la présidence de Louis Giscard d’Estaing, Rapporteur
Organisme très récent, le commissariat des armées est le fruit du mariage des commissariats des trois armées, Terre, Marine et Air. Pour autant, il n’en est pas la fusion dans la mesure où il n’a pas récupéré l’ensemble de leurs attributions. Ainsi, la gestion de la solde est demeurée dans les directions des ressources humaines de chacune des trois armées. De ce fait, le commissariat, qui était historiquement le payeur de la solde, au sens de la gestion et de la paye, n’en est plus aujourd’hui, au sens comptable, que le liquidateur et l’ordonnateur.
Les attributions du service
Il s’agit d’abord un service financier, au sens de la LOLF. Il exécute la quasi totalité des budgets du soutien commun, au profit du sous-chef soutien et de l’EMA.
Il sera ensuite un service comptable, au sens du programme 178 Préparation et emploi des forces : en 2012, quand CHORUS nous proposera les résultats comptables, il les analysera au profit du chef d’état-major des armées – le CEMA –, et du ministre.
C’est un service d’achat qui passe l’ensemble des marchés du segment « achats courants » – pour la vie collective du combattant et de la communauté.
C’est un service en charge du contrôle interne comptable, toujours au sens de la LOLF, pour l’ensemble de l’agrégat soutien. C’est toujours un service juridique. Et c’est enfin le service de soutien du combattant.
Si nous sommes aujourd’hui devant vous, c’est au titre des fonctions « achat » et « soutien » du combattant, l’habillement concourant aux deux fonctions.
Quelques mots sur l’organisation actuelle de ce service. Au titre du décret de décembre 2009, je suis subordonné au CEMA. L’essentiel des grands arbitrages est prononcé par le major général des armées. L’action au quotidien du service dépend du sous-chef soutien.
Les commissariats historiques regroupaient environ 11 500 personnes, dont 6 500 seulement ont été transférées au commissariat des armées. À terme, soit en 2014, il n’en comptera plus que 4 000. Parallèlement, le nombre des établissements de ce service, qui était à l’origine de 90, passera en 2014 à 30 – nous en fermerons 39 cette année (2011) ; et celui des systèmes d’informations, dédiés au soutien de l’homme, de 90 à une quinzaine.
Le service du commissariat des armées, ou SCA, est face à trois grandes priorités.
- La première est d’opérer la manoeuvre RH pour s’assurer de la qualité de la condition du personnel et mener ainsi cette réforme à bien. Nous y consacrons énormément de temps, chaque fois que nous fermons un établissement.
- La deuxième priorité est d’assurer la continuité du service pendant sa transformation, ce qui est essentiel quand on parle d’externalisation.
- La troisième priorité est de tenir les enjeux financiers.
J’en viens aux externalisations stricto sensu.
En la matière, nous ne sommes pas des stratèges, mais des opérateurs. La stratégie de l’externalisation est pilotée par le cabinet, autrement dit le ministre, et par l’EMA, dont nous suivons les orientations. Le service contribue simplement à certains choix en tant qu’expert.
Par ailleurs, nous ne sommes pas partie prenante dans l’ensemble des projets d’externalisation concernant le soutien de l’homme. En effet, le service du commissariat n’existe que depuis le 1er janvier 2010 ; il n’est véritablement opérationnel que depuis le 1er janvier 2011. De nombreux projets appartenant à notre domaine actuel ont été lancés bien avant que nous n’existions et nous ne les avons pas tous repris à notre compte.
Trois projets nous concernent plus particulièrement :
Le premier concerne la fonction RHL : restauration, hôtellerie, loisirs.
La première vague d’externalisation, sur huit sites des organismes nourriciers de la défense, a été menée sous copilotage de l’EMA et de l’économat des armées, ce dernier étant le pouvoir adjudicateur de ce marché. Nous allons prendre à notre charge, au profit de l’EMA,
le pilotage et le contrôle de gestion, attribution régalienne, qui ne saurait être confiée à un
EPIC. C’est un projet sur lequel nous commençons à réfléchir au positionnement du service.
Le projet, dit « multiservices », concerne la base aérienne de Creil, où il a été décidé de mettre en place un système de type facility management pour tout ce qui concerne la restauration, les transports, le chauffage, les infrastructures, etc. La question avait d’abord été traitée par l’EMA et le commissariat de l’air, qui est désormais dans le périmètre du SCA, devenu pouvoir adjudicateur. L’opération est quasiment parvenue à son terme ; toute la partie juridique et réglementaire est achevée et nous en sommes à la recherche de la couverture en autorisations d’engagement, avant le passage devant le contrôleur budgétaire et comptable ministériel.
Dans une fonction aussi importante que celle de l’habillement, deux axes sont complémentaires : la rationalisation et l’externalisation.
La création du service du SCA et celle des bases de défense, ou BDD, nous ont permis – ou nous permettront, à terme – de rationaliser les effectifs. La rationalisation devrait nous permettre de ramener le nombre des ETP concernés par la fonction habillement de 1 600 à 1 000, en fermant un certain nombre d’établissements des anciens commissariats – Nancy, Rennes, Rillieux-la-Pape, Bergerac et Évreux – et en restructurant Brétigny et Marseille.
De même, pour les BDD, centraliser dans les bases de défense ce qui se passait dans les formations – corps de troupes, bases aériennes, ports – entraîne mécaniquement des économies.
Cette rationalisation est déjà engagée.
Une externalisation portant sur l’ensemble du dispositif générerait un gain supplémentaire d’environ 400 ETP. Il faudra aussi avoir réglé d’ici à 2017 la situation des 400 ETP privés des ateliers des maîtres ouvriers : maîtres tailleurs, maîtres bottiers, etc. Nous devrons à cette occasion prendre en compte la spécificité de la Marine, qui dispose d’ateliers très importants, notamment à Toulon : on ne s’y cantonne pas, comme ailleurs, à des opérations légères mais on y assure certaines opérations de fabrication.
Comment se situe le projet « habillement » par rapport aux quatre critères de réussite d’un projet d’externalisation qui résultent des grandes orientations fixées par les ministres depuis plusieurs d’années.
1-Sur le marché de l’habillement, maintenir en permanence le critère opérationnel peut être fait de trois manières.
Premièrement, nous conservons en régie tous les effets dits « critiques » : gilets pare-balles, tenues de vol, tenues de protection contre les risques NRBC (nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques), etc. Tous ces effets demeurent réalisés, stockés, gérés en régie. Deuxièmement, nous conservons l’ensemble des attributions relatives à la « recherche et développement », soit la constitution et la fabrication des notices techniques, qui restera sous la responsabilité du SCA et des EMA, de manière qu’il n’y ait aucune dérive par rapport aux besoins. Troisièmement, nous conserverons bien entendu le pilotage de l’ensemble de la fonction : le contrôle de gestion sera totalement pris en charge par le SCA au profit de l’EMA.
2- Deuxième critère : les gains économiques. Aujourd’hui, si on externalise la totalité
de l’agrégat fonctionnement + achats, qui représente environ 350 millions d’euros, on gagne
environ 20 %, soit davantage qu’avec la rationalisation – environ 13 %.
3-Troisième critère, absolument central : l’intérêt du personnel. Pour cela, nous ferons tout d’abord appel, dès que possible, au dispositif MALD (mise à la disposition), prévu par le décret du 21 septembre 2010. Ensuite, dans la mesure où l’externalisation se traduira par la fermeture d’un ou de plusieurs organismes, nous appliquerons ce qui est fait aujourd’hui dans le cadre de nos rationalisations : PAR, ou plan d’accompagnement aux restructurations ; indemnité de départ volontaire ; mobilité des agents.
4- Quatrième critère, lui aussi central : pas de position dominante au travers d’un marché d’externalisation. Une vingtaine de PMI-PME françaises travaillent dans le monde de
l’habillement, leur situation n’est pas toujours facile et il nous appartiendra, au travers du dialogue compétitif que nous engageons, de prendre en charge leurs préoccupations. Nous
restons en contact très étroit avec elles. J’ai déjà vu une première fois le président de la FACIM, la Fédération nationale des fabricants de fournitures administratives, civiles et
militaires, qui représente la quasi-totalité des entreprises avec lesquelles nous contractons. Il reste malgré tout relativement confiant : il est probable que, sous certaines conditions, nous
pourrons préserver le tissu de nos PMI-PME.
Désormais entrés dans une phase de dialogue compétitif, nous ne pouvons évidemment plus rencontrer les entreprises, mais nous pouvons continuer à interroger le président de la FACIM, dès lors que l’on ne déroge pas à la règle de la confidentialité.
J’aborderai enfin quelques-unes de nos préoccupations.
Premièrement, les systèmes d’information sont pour nous le défi des cinq ans à venir. Nous devons passer d’une multiplicité de systèmes d’information d’armées, très hétéroclites, à un seul système, avec un objectif central : l’interfaçage à Chorus et la capacité de piloter les externalisations. Autrement dit, dans cette fonction « habillement », nous devrons être capables, à la fois de piloter la régie, que nous allons conserver en partie, et de piloter des périmètres externalisés. Nous sommes en train d’y réfléchir et nous devons aboutir assez rapidement pour ne pas retarder le marché d’externalisation.
Deuxièmement, la phase de transition est absolument centrale. Nous savons tout d’abord que nous mettrons un certain temps à traiter les cas individuels de tous les personnels pendant la phase de transition. Ensuite, en nous appuyant sur les expériences extérieures, étrangères ou françaises, nous avons compris que vendre nos stocks à la société externalisée la mettrait dans une situation économique très délicate, dans la mesure où elle devrait les résorber, alors qu’ils ne correspondent pas forcément à ses propres critères. Voilà pourquoi nous conserverons nos stocks pendant la phase de transition. L’économie dégagée sur ces stocks nous permettra de faire face aux 100 à 150 millions d’euros engagés au titre de la masse salariale pendant la phase de transition.
Les organisations syndicales sont étroitement associées à notre opération. Le cabinet, le secrétaire général pour l’administration et l’EMA rencontrent régulièrement les représentants syndicaux après avoir utilisé le retour d’expérience de l’expérimentation RHL.
Ce projet a commencé à être étudié à l’été 2008 par l’EMA, aidé par une société de conseil. Début février dernier, M. Alain Juppé a pris la décision de lancer la réflexion relative à l’externalisation, en demandant au marché, au travers d’un dialogue compétitif, ce qu’il peut nous proposer. Le cabinet a demandé au SCA de réfléchir en même temps à ce que serait une « régie optimisée », qui irait au-delà de la régie rationalisée dont je vous ai parlé, qui pourrait dégager d’autres gains en ETP et en stocks. Nous allons donc mener les deux projets en parallèle, de manière à proposer au ministre un véritable choix entre régie optimisée et externalisation.
L’avis d’appel à la concurrence a été lancé mi-février (2011). Huit entreprises sont aujourd’hui intéressées ; nous allons probablement en garder six.
Le programme dit « fonctionnel », c’est-à-dire le détail du cahier des charges, est prêt et devrait être proposé mi-mai aux entreprises, qui y travailleront de mai à septembre. En septembre, nous engagerons le dialogue compétitif qui devrait aboutir à une décision ministérielle au mois d’avril 2012. Bien entendu, nous aurons été, en même temps, en mesure de proposer ce que pourrait être une régie optimisée.
M. Bernard Cazeneuve, Rapporteur. Vous êtes-vous inspirés d’exemples étrangers pour mener à bien l’externalisation de la fonction habillement ?
Les grands choix ont été opérés initialement par l’EMA, en lien avec cette société de conseil. Parce que nous n’existions pas ou que nous étions très jeunes, nous n’avons été que peu associés à la phase comparative.
Cela dit, nous savons que l’on s’est intéressé de très près au Canada, où s’est d’ailleurs rendu
le commissaire-colonel Bernard Chassac.
Les équipes se sont également intéressées à l’Allemagne, qui fonctionne d’une manière assez proche de la nôtre ; et à de grands acteurs français comme la Police nationale, la Gendarmerie nationale et La Poste.
Le retour de toutes leurs expériences nous a permis, par exemple, de dire qu’il fallait éviter la dégradation de la qualité des effets, comme cela a été constaté en Allemagne, pour les tenues de sport, le problème pouvant tenir à un certain éloignement entre celui qui exprime un besoin, à partir du terrain, et celui qui répond.
Ces retours d’expérience nous ont par ailleurs fait prendre conscience de l’importance de bien conduire la période transitoire, au cours de laquelle les processus vont être profondément modifiés.
Enfin, la problématique des stocks nous est clairement apparue. Il semble qu’elle ait beaucoup entravé le déroulement du projet de la Police nationale – en l’occurrence, il s’agissait de la propriété des stocks.
*cf notre article en juin 2013 suite à la décision du ministre sur l'habillement du 30 mai 2013