Par le commissaire général (2S) Jean Bajard (ECA 1954)
Romilly décembre 1980 |
Le commissaire général Fernand Monjoin est mort.
Il est difficile, quelques jours après avoir appris cette triste nouvelle, de réaliser que l’ami fidèle, le compagnon de travail, celui avec qui j’ai fait équipe à la fin de ma carrière, en tant que directeur central, mais auquel j’étais lié depuis bien des années, nous a quittés.
Lorsque nous nous sommes connus, tous les deux capitaines, nous avons vite compris à la fois nos différences de tempérament et nos complémentarités. Fernand était né dans le Berry et il était naturellement fier de cette origine. Je ne connaissais pas encore ce terroir du centre de la France mais, avant même d’être allé arpenter les diverses parties de cette province, Fernand avait su me la faire aimer.
Romilly 1979 |
Plus tard, c’était en 1968, j’ai eu à passer quelques mois à Châteauroux pour liquider la mission de liaison auprès des armées alliées implantée tout près de l’ancienne Base de l’OTAN. Là, j’ai vécu les évènements de mai 1968 et j’ai pu me rendre compte que le réalisme, la sagesse et le bon sens qui caractérisaient Fernand avaient leur source dans ce terroir du centre de la France. Je suivais par la radio les évènements qui se déroulaient à Paris et j’ai pu mesurer le contraste entre l’esprit surchauffé de la capitale et le calme bon sens qui régnait chez les Castelroussins, berrichons "pur sang".
L'adjoint au directeur central
Dans l’équipe que nous avons formée, les qualités de Fernand furent précieuses. Il était courant de dire à l’époque (sans doute le dit-on encore aujourd’hui) que lorsqu’un problème se pose, il y a toujours trois solutions possibles : la bonne, la mauvaise et celle de l’état-major, terme qui englobe aussi la Direction de Service. Il arrivait bien sûr que les "Bureaux de la Direction" proposent à ma signature des décisions ou des avis à émettre sur des projets de décisions de l’état-major. Il n’était pas rare que ces projets d’avis pèchent par des excès de précautions ou par des complications peu utiles, voire par un manque de clarté. Pour parvenir aux "bonnes solutions", face à ces propositions de "solutions d’état-major", le passage par l’avis de Fernand était LE chemin à suivre.
L'homme
Fernand avait de nombreuses autres qualités, parmi lesquelles une très grande franchise. Il n’avait pas l’esprit courtisan, cet esprit dont tout chef doit impérativement se méfier. Je m’en suis aperçu lorsque nous étions jeunes capitaines.
Un jour, un de nos très grands anciens, s’interrogeait devant Fernand sur ce que les jeunes pensaient de leurs généraux. Bien loin de lui répondre par une quelconque formule flatteuse, Monjoin lui répondit simplement : « Mon général ! souvenez-vous de ce que vous pensiez de vos généraux quand vous étiez capitaine ! ».
Je ne saurais terminer cette brève évocation du commissaire général Monjoin sans dire combien son optimisme naturel, sa joie et son humour étaient précieux. Il avait l’art de dédramatiser les situations.
Il avait choisi de se retirer sous le soleil du midi, ce soleil qui invite à la joie. Les contraintes d’une santé défaillante ont privé ses amis de sa présence lors de nos derniers rassemblements. Mais il restait présent par les contacts téléphoniques ou par les mails.
J’ai intitulé mon propos « Adieu, Fernand » mais c’est une erreur. Ce ne peut pas être un adieu.
Au revoir, Fernand !