"Je suis un officier comme les autres"
Témoignage du commissaire général de 2ème classe Patricia
Costa, sous-chef performance
synthèse de l'état-major de l'armée de l'air
« J'ai été recrutée à une époque où les
quotas de femmes existaient. Quand j'ai passé le concours commun à l'armée
de l'air et à la Marine en 1980, seules 10% de femmes étaient acceptées dans la
promo. J'ai décroché l'unique place accordée à une femme par le Commissariat de
l'air. Je connaissais le milieu militaire. Ma mère a fait l'Indochine. J'étais
très sportive, j'avais une licence d'anglais et une maîtrise en droit, et le
concours était plutôt dédié aux juristes. J'ai découvert le monde aéronautique
et il m'a tout de suite passionnée.
J'ai tenu des postes de terrain en tant que
commissaire de plusieurs bases de l'armée de l'air. Celle de Nancy était alors
en pleine transformation. C'était l'époque de la guerre du Golfe. Il fallait
résoudre des problématiques administratives complexes de départs,
d'installation, de suivi... A Villacoublay (4000 personnes), je me suis occupée
du fonctionnement, du contrôle et de la logistique de plusieurs unités -
matériels, équipements, habillement, alimentation, avec - en toile de fond - l'activité opérationnelle de l'armée de l'air.
J'ai participé à des opérations
extérieures. En Bosnie en 1993, dans le cadre de l'interdiction de survol de l'espace
aérien du territoire, il a fallu faciliter l'installation, la vie au quotidien,
résoudre les problèmes juridiques et financiers, de toutes les forces de
l'armée de l'air installées en Italie. Quelques années plus tard, je suis
retournée en Bosnie. Le conflit s'était un peu apaisé. Je me suis occupée de
l'installation et de la mise en oeuvre d'un certain nombre de camps et
d'équipements pour le Kosovo.
J'ai eu des périodes de formation. J'ai préparé et
réussi le concours de l'école de guerre qui forme en un an le futur corps de
direction des armées. Plus tard, j'ai suivi les cours du Centre des hautes
études militaires (CHEM) couplé avec l'IHEDN, l'Institut des hautes études de
défense nationale. C'était une année de césure dans un contexte humain très
enrichissant.
J'ai travaillé à l'état-major des armées
puis de l'armée de l'Air. En interarmées, j'ai mis en place des nouveaux
systèmes de management, introduit le contrôle de gestion, le pilotage stratégique,
avec des méthodes inspirées du civil. J'ai découvert les autres armées, leurs
processus, leurs cultures, c'était passionnant ! A l'armée de l'air, après un
passage à l'inspection, je me suis occupée du système d'information ressources
humaines et de la formation. Aujourd'hui, j'ai un rôle de plaque-tournante de
tous les travaux de synthèses utiles pour piloter la performance de l'armée de
l'air.
J'ai été nommée au grade de général en
2010. Nous sommes maintenant deux femmes dans ce cas dans le corps des
commissaires des armées. Ce n'est pas une consécration, c'est un passage obligé
pour atteindre des postes à forte responsabilité décisionnelle, pour porter
plus haut dans la hiérarchie et à l'extérieur un message sur l'armée de l'air.
Ma nomination change surtout le regard des autres sur moi, alors que je suis
toujours la même.
cyclo CSATC |
Cela n'a jamais été un avantage d'être
une femme. Comme dans n'importe quelle entreprise, trouver sa place en tant que
femme n'est pas toujours évident. Et peut-être que parfois le fait d'être une
femme m'a empêchée d'occuper tel ou tel poste à responsabilité dans les armées.
Mais, c'est peut-être un mal pour un bien car j'ai fait autre chose de tout
aussi enrichissant. En même temps, on me lançait : « Maintenant il va falloir faire vos preuves ! » Je pense que
j'aurai à faire mes preuves jusqu'à ma retraite !
Je me suis imposée par mes compétences. Je suis un officier
comme les autres. Vers 32/33 ans, je commandais des militaires bien plus âgés
que moi. Au début, ils vous regardent, puis ils comprennent que vous êtes
sérieuse, que vous savez les écouter, que vous travaillez, que vous êtes
capable de décider. Et vous emportez l'adhésion ! Je me sens à l'aise dans le
travail d'équipe, je ne brusque pas les gens. Quand il s'agit de prendre des
décisions, je les prends. Quand il s'agit de sanctionner en plus ou en moins,
je sanctionne. J'ai toujours eu des témoignages de sympathie lorsque je
quittais un poste pour un autre et je garde le contact avec beaucoup d'anciens.
Ce qui prouve que le plaisir que j'ai eu à les commander a été partagé.
Concilier ma vie de mère avec mon métier
a été compliqué. Il fallait s'organiser. Mon mari, pilote de chasse, m'aidait quand il le
pouvait. A chaque fois que j'étais enceinte (j'ai eu 3 enfants), on m'a fait
sentir que c'était ennuyeux, alors que j'ai toujours travaillé jusqu'à la
dernière minute. J'ai aussi eu droit à des propos machistes. Je me souviens
être allée au bureau déposer un papier quelques jours après mon accouchement.
Quand mon directeur, un commissaire général, m'a vue il s'est exclamé « Ah ! vous revenez travailler ! ». Il trouvait que j'avais bonne mine et
tant pis pour la durée légale du congé maternité.
Etre commissaire des armées est un métier formidable. Je pense avoir suffisamment de recul
pour l'affirmer. Sa technicité, son professionnalisme sont très recherchés. Le
milieu militaire dans lequel il est amené à évoluer est exigeant, fait de
discipline, de rigueur et de valeurs. Il est assuré de vivre une expérience
humaine très forte, de côtoyer des cultures différentes, des métiers que l'on
trouve moins ailleurs, de partir à l'étranger, dans des organisations
interarmées, puis de revenir dans son armée d'origine et de prendre des postes
à responsabilité. Ces allers-retours font toute la richesse de ce
métier. »
avec le cre gal Bajard, pdt de l'AMICAA |
Dates-clés
1980 : Ecole du Commissariat de l'air à Salon-de-Provence
1985 : Adjoint de la division "restauration" à la direction du Commissariat de la force aérienne tactique à Metz, puis chef de la division "matériels"
1990 : Commissaire de la base aérienne de Nancy Ochey
1993 : Commissaire de l'opération Crécerelle (opération Deny Flight, interdiction de survol de la Bosnie)
1994 : Commissaire de la base aérienne de Villacoublay
2000 : Opération extérieure en Bosnie, adjoint du directeur du Commissariat
2003 : Chargée de la création de la cellule de contrôle de gestion et du pilotage à l'état-major des armées, Paris
2006 : Auditrice au CHEM et à l'IHEDN
2007 : Chef du bureau des finances et du budget à l'état-major de l'armée de l'air, Paris
2009 : Chargée de l'administration générale et des finances à l'Inspection de l'armée de l'air
2010 : Sous-directeur des affaires générales de la Direction des ressources humaines à l'armée de l'Air, Tours.
Depuis septembre 2012 : Sous-chef performance synthèse de l'état-major de l'armée de l'Air, Paris
1985 : Adjoint de la division "restauration" à la direction du Commissariat de la force aérienne tactique à Metz, puis chef de la division "matériels"
1990 : Commissaire de la base aérienne de Nancy Ochey
1993 : Commissaire de l'opération Crécerelle (opération Deny Flight, interdiction de survol de la Bosnie)
1994 : Commissaire de la base aérienne de Villacoublay
2000 : Opération extérieure en Bosnie, adjoint du directeur du Commissariat
2003 : Chargée de la création de la cellule de contrôle de gestion et du pilotage à l'état-major des armées, Paris
2006 : Auditrice au CHEM et à l'IHEDN
2007 : Chef du bureau des finances et du budget à l'état-major de l'armée de l'air, Paris
2009 : Chargée de l'administration générale et des finances à l'Inspection de l'armée de l'air
2010 : Sous-directeur des affaires générales de la Direction des ressources humaines à l'armée de l'Air, Tours.
Depuis septembre 2012 : Sous-chef performance synthèse de l'état-major de l'armée de l'Air, Paris
Droits : DCSCA