jeudi 24 octobre 2013

Les commissaires du TOMATO

Par le commissaire général (2S) Jacques Guillerm (ECA 58)
                                         

 
Sous cette appellation de TOMATO qui fait un peu boîte de nuit, se cache une très ancienne association aéronautique qui vogue doucement vers son centenaire. C'est en effet en 1916, en pleine première guerre mondiale qu'elle prit naissance.

    À cette époque où l'aviation militaire était encore balbutiante et sans doctrine d'emploi, des industriels de toutes disciplines - avions, moteurs, équipements - éprouvèrent le besoin de se rencontrer pour échanger leurs idées, faire progresser leurs techniques respectives et créer des appareils adaptés au combat répondant ainsi aux desiderata des pilotes en permission dans la capitale entre deux séjours au front.

    C'est Charles Waseige, directeur technique des moteurs Farman, qui prit l'initiative de réunir quelques amis à un « déjeuner du vendredi ». Ce déjeuner n'avait alors ni statut ni lieu fixe.



 
  En 1933, un voyage aux Etats-Unis fut organisé pour visiter l'industrie aéronautique américaine en plein essor. A cette époque, la prohibition des boissons alcoolisées était à son apogée et les voyageurs durent se résigner à boire du jus de tomate au cours des nombreuses réceptions offertes par les constructeurs américains.

    De retour en France, le nom de « Tomato juice » fut adopté pour baptiser les « déjeuners du vendredi » qui devinrent mensuels. Ce n'est qu'en 1979 que ce groupement informel devint une association de la loi de 1901 sous le nom de « TOMATO » tout court. Depuis cette date, hormis une éclipse pendant la seconde guerre mondiale, le TOMATO se réunit tous les troisièmes vendredis
de chaque mois, actuellement à l'Aéro-club de France où il a son siège social. Rappelons que l'Aéro-club de France fut le premier aéro-club national créé au monde en 1898.
                   
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Le TOMATO, association essentiellement amicale, repose sur trois piliers : les aviateurs militaires (armée de l'air surtout mais aussi aéronavale et ALAT), les pilotes et ingénieurs des compagnies aériennes civiles et les industriels, soit environ trois cents membres répartis approximativement en trois tiers.
    L'admission au TOMATO est réservée aux personnes ayant eu une carrière aéronautique significative, d'où il découle une moyenne d'âge assez élevée (soixante dix ans environ) même si le bureau s'efforce d'accueillir de plus jeunes « pousses » prometteuses. Le candidat doit être parrainé par un membre de l'association et son admission est prononcée souverainement par le bureau.

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    Que fait-on au TOMATO ?  Chaque réunion mensuelle est ouverte par un exposé d'une personnalité du monde aéronautique ou spatial, invité d'honneur de la réunion. Ont ainsi pu défiler les PDG d'Air-France, d'Aéroports de Paris, d'Airbus industrie, d'Ariane Espace, de Safran ... et de hauts responsables militaires. C'est ainsi qu'une invitation au TOMATO fait partie du parcours obligé de tout nouveau chef d'état-major de l'armée de l'air. Le général Mercier y a récemment sacrifié.

    Les nouveaux membres font l'objet d'une courte présentation par leur parrain. L'intronisation est complète lorsque le président a prononcé la phrase quasiment sacramentelle :

«  Monsieur ou Madame X, bienvenue au TOMATO. Vous n’y trouverez que des amis ». S'en suit un repas, généralement de qualité, mais encadré dans un horaire très strict : début de la séance à 12h30 et fin du repas à 14h30. L'influence des militaires est indéniable.

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JP. Lépinard, J. Bajard, J. Guillerm, H; Mulotte, P. Andrieux, F. Aubry, M. Barbaux (trésorier)
Que font donc les commissaires dans cette galère ?  Hormis un pionnier, ancien directeur central, ils ont commencé à investir l'association il y a une quinzaine d'années et sont aujourd'hui au nombre de sept, mais ce nombre pourrait croître raisonnablement. Leur rôle n'est pas négligeable. En effet, au TOMATO on ne fait pas que s'instruire et se restaurer. Les membres alimentent aussi par leurs dons, avec des sponsors extérieurs, une bourse de la vocation, décernée tous les ans  à trois ou quatre jeunes engagés dans une carrière aéronautique ou spatiale, futurs pilotes ou ingénieurs, faisant preuve d'une grande détermination et socialement méritants. La bourse est destinée à les aider financièrement car les études ou les qualifications aéronautiques sont onéreuses. Les lauréats sont parrainés par un membre de l'association qui suit leur parcours professionnel en les aidant ou conseillant si besoin est.
    Qui dit association dit cotisation et finances et qui dit finances dit commissaire. C'est tout naturellement que depuis une quinzaine d'années les commissaires se succèdent au poste de trésorier. Par ailleurs, le contrôleur aux comptes est aussi un commissaire, pour le moment inamovible.
    Le trésorier, membre du bureau, participe intimement au fonctionnement de l'association en  la faisant profiter de son expertise, unanimement reconnue et appréciée.

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La bourse de la vocation a été décernée pour la première fois en 1980. Depuis cette date, le cap des cent lauréats a été franchi. Conscients de l'appui qui leur avait été donné, ceux-ci ont créé leur propre association «  les filleuls du TOMATO ». Certains d'entre eux ayant réussi dans leur carrière professionnelle en devenant, par exemple,  commandant de bord chevronné, ont remboursé la somme qu'ils avaient perçue pour qu'elle bénéficie à de nouveaux lauréats. Ceci illustre parfaitement l'esprit de camaraderie et d'entraide aéronautiques qui est la marque du TOMATO, association vénérable mais toujours active.

                                                                                    Jacques  Guillerm