dimanche 14 juillet 2013

Une page se tourne


Le commissariat de l’air est mort, vive le commissariat et l’armée de l’air !
Par le commissaire général (2S) Jean Bajard


On en parlait depuis bien longtemps déjà ! Cela a commencé par des interrogations à la suite de certains symptômes dont l’un des principaux fut l’apparition, dans les années 1950, d’un nouveau sigle, barbare comme le sont tous les sigles : la C.P.I.C. (la Commission Permanente des Intendance et Commissariats). Cette commission fit mentir le mot que l’on prête à Clémenceau : "Une Commission est une réunion de gens qui, pris isolément, ne peuvent rien faire, mais qui, réunis en commission, peuvent décider que rien ne peut être fait". Son rôle était de rapprocher dans divers domaines les services de l’Intendance (appelée à devenir le commissariat de l’armée de terre) et des commissariats (de la Marine et de l’armée de l’air). Un travail important fut accompli, travail d’harmonisation des règlementations administratives, d’harmonisation des matériels approvisionnés, de coordination et de centralisation des marchés pour les matériels communs aux trois armées… Certains se demandaient jusqu’où irait ce rapprochement qui s’opérait entre les services. Les responsabilités administratives et logistiques du commandement dans chacune des trois armées exigeaient cependant que chaque armée puisse disposer d’un service propre pour assumer ces responsabilités.

Il est certain que l’évolution des structures de commandement, avec les nouvelles responsabilités du chef d’état-major des armées, devait nécessairement conduire à un changement radical dans l’organisation des trois services concernés. Leur disparition au profit du Service du commissariat des armées s’imposait.

Je ne reviendrai pas sur les dates de cette transformation majeure pour les commissaires des trois armées, marquée par la naissance du commissariat des armées, achevée par la création du corps des commissaires des armées. Les "derniers soupirs" de chacun des trois  services viennent d’être rendus avec la fermeture officielle des écoles qui ont formé des générations de commissaires dans chacune des trois armées. La plus jeune était celle de l’armée de terre mais elle était l’héritière de l’ancienne Ecole supérieure de l’Intendance. Quant à celle de la Marine, son origine est à chercher dans les manuels d’histoire de l’ancien régime. Celle de l’armée de l’air terminait sa soixantième année. Autant dire qu’elle était dans la force de l’âge. Sa jeunesse lui donnait une caractéristique particulière : celle de n’avoir connu qu’une seule implantation : Salon de Provence, où elle était très étroitement incluse dans l’école de l’air. Cette particularité fut un des éléments clés de sa réussite car la compréhension entre le commandement et le service fut, dès l'origine, simple, totale, je dirais innée. Cette organisation donna au service un gage majeur d’une efficacité qui fut parfois enviée, je puis en témoigner.

La fermeture de l’école du commissariat de l’air a donné lieu à une cérémonie à Salon de Provence le 27 juin 2013. Il n’était naturellement pas possible à l’école d’inviter tous les anciens élèves. Ils furent représentés par les responsables des associations (A.N.C.A. et AMICAA). C’est à ce titre que j'ai pu y participer, en compagnie de trois membres du bureau, le commissaire général [2S] Michel Barbaux (1972), le commissaire lieutenant-colonel [R] Jacques Primault (1975) et le commissaire de 1ère classe Jean-Luc Prévoteau, cadre à l’école. Ce fut un moment émouvant. Dans l’imposante Salle des Marbres de l’école, devant  le corps professoral, dont les professeurs d’université en toge, et devant les invités, les commissaires sous-lieutenants de la promotion 2011 reçurent leur « Marianne » (terme impropre mais traditionnellement employé pour désigner le tampon officiel gravé à l’effigie de la Liberté Laurée) remise par le commissaire général hors classe des armées Jean-Marc Coffin, chef du Service du commissariat des armées (voir par ailleurs l'article détaillé sur cette cérémonie).

Les élèves de la promotion 2012 de l’école de gestion et d’administration de l’armée de l’air (GEAAA) reçurent  leurs diplômes de fin d’études des mains du général de corps aérien Tafani, Directeur du personnel militaire de l’armée de l’air. Ce dernier donna ensuite lecture de l’ordre du jour du Chef d’état-major de l’armée de l’air. Je ne m’attarderai pas sur les souvenirs que ne manqua  pas de susciter ce temps fort, empreint de dignité, que nous venions de vivre. Nous avions en effet à vivre, au cours de cette journée mémorable, un autre rendez-vous, moins solennel mais porteur de jeunesse et d’avenir : la visite du chantier de la future école du commissariat des armées dont l’ouverture officielle est prévue à l’automne prochain. Elle fut précédée, dans l’amphithéâtre Marin-la-Meslée, par deux  exposés. Le commissaire général Coffin fit le point de l’évolution en cours et des perspectives du Service du commissariat des armées. Le Commissaire général des armées (ancien commissaire général de l’armée de terre) Legendre présenta cette école en gestation qu’il dirige déjà et dirigera. La visite d’un chantier est un peu, si j’ose cette comparaison osée, comme une visite prénatale. Nous avons pu nous rendre compte que le « berceau » en préparation est pensé et conçu pour la totale réussite de la future école.

L’avenir reste à écrire, certes. Mais il s’enracine dans un passé riche de valeurs, à la transmission desquelles l’AMICAA se propose de participer. En effet il y aura - il y a déjà, notamment avec les anciens commissaires de l’air en activité -  des commissaires des armées spécialement formés pour servir, à certaines étapes de leur carrière, auprès des divers échelons du commandement de l’armée de l’air, comme il y en aura pour servir auprès du commandement de l’armée de terre ou de la Marine. Grâce à cet « ancrage », les commissaires des armées "Air" auront, pendant leur formation, le privilège de vivre dans la proximité, on ne peut plus immédiate, de l’école de l’air. Leur vocation d’officier ne peut qu’en être affermie. Leur connaissance de l’armée de l’air ne peut qu’en être plus complète. Ils apprendront comment cette armée vit la devise de Guynemer : « Faire face ».

Le 5 juillet dernier, invité par le général d’armée aérienne Denis Mercier, chef d’état-major de l’armée de l’air et par le général de brigade Gilles Modéré, commandant les écoles d’officiers de l’armée de l’air et la base aérienne 701 « Général Pineau », j’ai pu assister au Baptême des Promotions de l’école des officiers de l’armée de l’air. Pour la dernière fois, une promotion de l’école de l’air, la promotion 2012, comptait dans ses rangs des élèves commissaires à côté des élèves pilotes, mécaniciens, officiers des Bases. Avec eux, elle a reçu le nom de « Promotion colonel Roland de la Poype ».

Je mentirais si je disais que je n’ai pas ressenti un brin d’émotion quand, après le baptême, la patrouille de France ouvrit le défilé des élèves de toutes les spécialités devant le chef d’état-major de l’armée de l’air. D’émotion, oui, mais pas de tristesse. Commissaire de la deuxième promotion de l’école du commissariat de l’air, ayant travaillé pendant plusieurs années à l’adaptation continuelle du commissariat de l’air aux structures très évolutives du commandement de l’armée de l’air,  je suis certain que l’école du commissariat des armées saura continuer à former des commissaires proches de l’armée de terre, de la Marine ou de l’armée de l’air, tous bien adaptés à l’armée qu’ils auront choisie en entrant dans le commissariat des armées, mais aussi tous ayant une vocation commune, le service du Commandement des armées de la France dans un service unique, le commissariat des armées, et au sein d’un corps unique d’administrateurs militaires, celui des commissaires des armées.

Commissaire général de division aérienne (2S) Jean Bajard
Président de l’Amicale des Commissaires de l’Air et des Commissaires des Armées/Air