dimanche 28 avril 2013

opération Libage


1991 opération Libage : l'aide humanitaire aux populations kurdes 
par le commissaire en chef de 1ère cl (air) Annie Courtioux-Poiret (promo 87)
(BLCA n° 34 décembre 1991)

Conséquence directe de la guerre du Golfe, l'opération Libage a mis à contribution l'armée française pendant plus de trois mois, avant d'entrer dans une autre phase sous le nom d'Aconit.

Un libage est selon la définition du Larousse «un moellon généralement dur dont on se sert pour les fondations d'un mur». Soutenir, telle est bien la vocation des forces françaises qui, à partir d'avril vont progressivement se mettre en place en Turquie et en Irak.
Le conseil de sécurité de l'ONU adopte le 5 avril 1991 la résolution 688.
Dès lors, un appel est lancé à tous les Etats membres et à toutes les organisations humanitaires pour qu'ils participent à cet effort d'assistance. L'aide humanitaire s'organise.



Les premiers relais qui se mettent en place sont américains (l'opération Provide Comfort a débuté) puis britanniques et français. L'objectif est double :
- assurer au moins un repas par jour à chaque réfugié qui fuit l'Irak (700 000 irakiens ont, fin avril, migré jusqu'à la frontière irako-turque). Les parachutages et les convois par camions se multiplient.
- guider les réfugiés vers des camps provisoires équipés où leur sont fournies vivres et assistance médicale pour ensuite les aider à rentrer chez eux, en leur offrant des garanties suffisantes de sécurité.

Aux forces en place viennent rapidement se joindre les allemands, les canadiens, les néerlandais, les belges, les italiens et les espagnols.

site de Silopi
Le dispositif est original. Toutes les nations en place bien qu'investies d'une mission commune restent autonomes dans leurs actions. Le schéma d'ensemble de ce soutien logistique se caractérise par son étendue.
L'état-major se trouve en Turquie sur la base aérienne américaine d' Incirlik. A presque 800 km de là, à la frontière irakienne, la base logistique avancée de Silopi doit soutenir directement les forces.

Toutes les nations en place se trouvent représentées dans ce camp. Puis les unités réparties sur le territoire irakien ont chacune leur mission.
- à Qasrok se trouve une antenne médicale ;
- à Sakho, l'hôpital militaire de campagne joue un rôle particulièrement important : 350 personnels y sont affectés dont 33 médecins, 3 pharmaciens, un dentiste, 50 infirmiers. Il est doté de services de réanimation, de chirurgie de radiologie, de gynécologie, de pédiatrie, d'un cabinet dentaire et d'un laboratoire d'analyses.
- à Sirsenk, la piste est en service 24 h sur 24. Par Sirsenk transite toute l'aide aéroportée en provenance de Silopi ou d'Incirlik.
- enfin à Shiladiza, un état- major avancé boucle le dispositif.

Pour cette opération combinée et en dépit de la grande diversité des forces françaises mises en place, le support administratif  et financier du dispositif est confié à la seule Armée de l' air et plus particulièrement au commissariat de la 4ème Région aérienne (Aix).
La cellule Commissariat basée à Incirlik règle les avances de soldes sur tous les sites et les contentieux éventuels, effectue les commandes de matériels et assure également un ravitaillement important par des achats locaux.
A Incirlik, le service restauration américain assure le support des troupes. Sur sites, la compagnie du commissariat de l'armée de terre a mis en place l'ensemble du matériel nécessaire à ce service,
avec notamment une boulangerie de campagne.
En dépit d'importantes difficuItés, une chaîne de ravitaillement a été organisée depuis Incirlik pour approvisionner l'eau minérale et des vivres frais telles que la viande ou le lait.

Sur le plan financier les procédures se sont révélées particulièrement lentes et lourdes. Elles ont ainsi considérablement allongé les délais de mise à disposition des fonds. La micro-informatique a été implantée sur presque tous les sites et , en dépit de conditions climatiques mettant le matériel à l'épreuve, elle a largement amélioré le suivi administratif de l'ensemble des services et des forces. Les communications ont été accélérées grâce au fax et à la large utilisation des stations INMARSAT, rendue d'autant plus nécessaire que plus de cent mille kilomètres séparent lncirlik du PC avant.

L'opération Libage a mis a contribution les forces, en particulier sur les sites, dans des conditions très difficiles tant du fait des conditions climatiques (forte chaleur) que géographiques ou politiques (menace bien présente sur les sites).
Néanmoins les résultats sont importants. A l'hôpital militaire de Sakho, 100 lits étaient occupés, 150 consultations étaient réalisées chaque jour et 5 000 vaccinations contre la rougeole ont été effectuées. Des milliers de tonnes de vivres ont été distribuées par toutes les nations aux quelques 700 000 réfugiés.

L'opération Libage illustre un nouveau type d'intervention extérieure des forces armées différente de celles menées jusqu'à présent dans le cadre de la zone franc. Elle a ainsi permis de mettre en oeuvre et d'adapter les procédures administratives et de soutien dans un cadre interarmées.