mercredi 17 octobre 2012

Gilbert Lépée, curé de St-Pourçain et pilote

Gilbert Lépée n'est pas un curé comme les autres. Installé à Saint-Pourçain-sur-Sioule, il a eu plusieurs vies avant de choisir de vouer la sienne au service de Dieu et des autres.

Saint-Pourçain-sur-Sioule est connu pour son vin. Rouge, blanc et rosé. Mais il est un autre élément du patrimoine local que tout un chacun se devrait de connaître. C'est son curé.
(La Semaine de l’Allier - 22 janvier 2009)
Gilbert Lépée possède cet air jovial des gens qui sont heureux de vivre et de leur état. Un peu rondouillard, il dégage une bonhomie bienveillante. On discerne chez lui ces merveilleuses qualités qui font les hommes d'église : l'écoute, la bienveillance et surtout l'altruisme. En pénétrant dans ses appartements du presbytère de Saint-Pourçain-sur-Sioule, où il exerce son ministère, on sent bien qu'on accède à un domaine presque réservé. « Je laisse très peu de gens entrer ici. C'est mon chez moi », sourit-il à l'indiscret visiteur qui n'a qu'une hâte : découvrir tous les secrets de cet homme de Dieu. Et en jetant un rapide regard sur les murs, on s'aperçoit qu'il en est un que Gilbert Lépée ne peut pas cacher : sa passion de l'aviation. Il suffit d'ailleurs de le voir se ruer à sa fenêtre dès que le bruit d'un réacteur se fait entendre dans le ciel.
« Je suis né à Montluçon dans une famille originaire de Saint-Marcel-en-Murat, près de Montmarault. J'ai cinq frères et soeurs et 17 neveux et nièces. Je suis issu d'une vieille famille bourbonnaise. Mon grand-père était régisseur. Nous vivions donc de la terre, mais plutôt confortablement », souligne Gilbert Lépée. Comme beaucoup de garçons de son époque, il effectue sa scolarité comme pensionnaire au Sacré-Coeur de Moulins. D'où il ressort en 1968, année de son bac. « Mais je n'ai aucun souvenir de cette période, nous étions très préservés. » De Moulins, il conserve surtout le souvenir de ses années de scoutisme. Une expérience qui reste aujourd'hui encore très fortement ancrée dans la mémoire du prêtre. « Notre aumônier était le père Jean Lépée, un cousin de mon père. Un prêtre qui a fortement marqué de très nombreux jeunes de ma génération. » Ils sont d'ailleurs plusieurs scouts de la même troupe à être entrés dans la vie éclésiastique.

« Je suis tombé amoureux. Plus question de séminaire. »
« A 18 ans, je ne savais pas ce je voulais faire : curé ou militaire. Sortant d'un bac littéraire, je ne pouvais pas faire Saint-Cyr. Je me suis donc lancé dans des études de droit à Clermont. » Si la vie militaire semble s'éloigner, l'attirance pour l'engagement auprès de Dieu reste fort. Au bout de trois années d'études, il s'en ouvre au supérieur du séminaire de Clermont qui lui recommande de terminer ses études. « Je suis tombé amoureux. Plus question de séminaire. » C'est à ce moment là qu'il entend parler du concours de commissaire de la Marine, option Air. Il le passe en 1973 mais ne le réussit qu'en 1974. Direction l'école de l'Air à Aix-en-Provence.
C'est là-bas qu'il découvre les joies du pilotage. Dont il ne pourra jamais se passer. « Nous avions une matinée complète par semaine pour faire du vol. C'est là que j'ai débuté aux commandes d'un avion. Après l'école, je suis parti un an à Djibouti. J'y ai beaucoup piloté. Jusqu'à un Super Sabre F100, un Nord Atlas de transport de troupes. Je suis allé au Kenya, au Yémen, à La Réunion. » Mais si l'armée lui prend une grande partie de son temps, Dieu n'est pas absent pour autant. En Afrique, il fait la connaissance de pères blancs, ces missionnaires qui passent leur vie sur ce continent.  Il y découvre aussi la vie d'un catholique dans un pays musulman : « A Djibouti, on travaille le dimanche... »
De retour en métropole, il est affecté au ministère de l'Air à Paris, en charge du paiement de la solde des 60 000 personnels de l'armée de l'Air, «  à seulement 30 ans ». A Paris, il renoue avec le scoutisme, à Combs-la-Ville (77) où il se rend encore aujourd'hui. Dans la capitale, il passe trois années très agréables, presque insouciantes. « Je menais une vie sympathique. J'effectuais de nombreuses heures de vol à Beynes (78) et à Etapes (91). Je pilotais des planeurs et j'ai obtenu ma qualification de remorqueur. J'avais une petite vie spirituelle tranquille. J'ai de nouveau rencontré une jeune femme. Elle était un brillant médecin, mais cela n'a pas duré. »
« Il me dit alors : «qu'est-ce que tu attends ?». J'ai retraversé le gave en direction de la grotte, je me suis installé pour prier et j'ai ressenti une sensation absolument indescriptible. »
En août 1980, sa vie bascule. Comme à son habitude, Gilbert Lépée se rend à Lourdes, avec le pèlerinage diocésain. Il s'y occupe beaucoup des malades et a pris depuis longtemps des engagements à l'égard du sanctuaire marial. « C'est là que je retrouve mon ami le père Jean-Paul Chantelot. Il me dit alors : "qu'est-ce que tu attends ?". J'ai retraversé le gave en direction de la grotte, je me suis installé pour prier et j'ai ressenti une sensation absolument indescriptible. Le lendemain, je suis allé voir le père Lépée, avec qui j'étais venu pour lui dire que j'entrais au séminaire. » Une décision simple sur le papier, mais pas tant que cela dans la réalité. Il lui faut annoncer à sa hiérarchie qu'il quitte le service de l'Etat pour celui de Dieu. « J'ai eu la chance de tomber sur un chef particulièrement compréhensif, chrétien lui-aussi, qui m'a laissé partir comme je voulais. »
Gilbert Lépée demande à effectuer ses années de séminaire à Rome. « Je voulais m'éloigner de Paris. Ce n'était pas aussi facile que cela de quitter ce milieu militaire. » Il y vit la vie presque rêvée des futurs prêtres dans la capitale du catholicisme. Diacre le 29 septembre 1985, il est ordonné prêtre le dimanche 29 juin 1986. Puis il repart pour Rome, afin de terminer ses études. Sa première affectation est pour Vichy, aux côtés du père Mathonat, qu fut son camarade aux scouts.
En 2005, il éprouve le besoin de faire une petite pause. Non pas dans sa vie d'homme d'église, mais dans sa présence dans l'Allier. Il part pour un an à la paroisse de la Trinité à Paris. Là il renoue avec ses anciens amis, des officiers de l'armée de l'Air pour la plupart. Mais il reprend également ses études et se met au service des clochards de la capitale, avec des jeunes d'une association, Macadam Café, fondée par un Moulinois. Il accompagne également un groupe de 120 jeunes dans le désert du Sinaï. Et il revole. Toujours en planeur. « Parce qu'il faut se bagarrer pour rester en l'air. Mais je n'en fais plus en solo, car j'ai failli avoir un très grave accident il y a quelques mois. »
Dieu et les avions rythment la vie de cet homme avant tout engagé pour ses paroissiens. Une alliance qu'il partage avec Saint-Ex, le pilote et l'écrivain pour lequel il nourrit une très grande admiration. « J'ai même eu l'occasion de refaire le trajet Toulouse - Saint-Louis aux commandes d'un Antonov 2, le plus gros biplan du monde. Quel souvenir ! » Un défi qu'il a relevé avec la même passion qu'il met à parler de Dieu à ses paroissiens. Surtout aux jeunes. Un point négatif subsiste. Le père Lépée est parfois surpris de l'absence d'espérance chez les jeunes d'aujourd'hui. Surtout lorsqu'il célèbre les obsèques d'un de leurs camarades. Mais son engagement dans le scoutisme, qu'il trouve encore trop peu présent dans l'Allier et à Saint-Pourçain, rattrape tout le reste.
(in La Semaine de l’Allier - 22 janvier 2009)