Quel parcours, quelle vie !
par le commissaire général (2S) Hervé de Laage de Meux
Mon Cher Jean-Louis,
En ce moment particulier où tout se mêle à la tristesse et l'émotion, je voulais, en premier lieu et tout simplement, te remercier de m'avoir choisi pour, en présence de ta famille, de tes proches, de tes amis, tous rassemblés dans la peine, retracer ta vie militaire, volet essentiel, à tes yeux, d'une existence qui, nous le savons tous, a comporté tant d'autres richesses.
Ta vie militaire, comme la mienne, comme celle de nos six camarades de recrutement direct, elle commence à Salon-de-Provence le 10 septembre 1973. Depuis jeudi dernier, je ne cesse d'ailleurs de songer qu'à quelques heures près, il te fut refusé de pouvoir célébrer les quarante-huit ans de ton arrivée à l’École de l'air.
Pour tous les commissaires de la 73, c'est à Salon que se sont tissés ces liens de camaraderie puis d'amitié qui, par-delà les vicissitudes de la vie, ont perduré et font qu'aujourd'hui, par la présence ou la pensée, nous nous retrouvions pour te dire au revoir.
Après Salon, pour toi comme pour les autres, commencèrent alors les choses sérieuses. Pour ce qui te concerne, et ce n'est pas la première fois que je m'en fais la remarque, tu as eu, je crois, la carrière qui était faite pour toi. Effet du hasard ou perspicacité notable de nos gestionnaires des ressources humaines, une telle adéquation entre les postes tenus et les qualités intrinsèques de celui qui les occupe est, il est vrai, assez peu banale.
Voyons cela de plus près.
– Après un stage d'application d’un an à Contrexéville, on commence par la division « Contentieux » de la direction de Villacoublay. Quoi rêver de mieux pour notre Jean-Louis, amoureux du droit, jamais rebuté par la procédure et toujours soucieux d'aligner, autant que faire se peut, la règle, la défense des intérêts de l’État et la prise en compte des légitimes attentes de ceux qui sont en conflit avec lui.
– 1978 puis 1981, le voici successivement commissaire de base à Saint-Cyr puis à Saintes. Deux postes de responsabilité directe où le capitaine puis commandant Pivel trouve le cadre idéal à la mise en évidence de son goût du commandement, de son sens du terrain et de l'efficacité en milieu contraint.
– 1984, changement de niveau mais nouvelle rencontre saisissante entre les appétences et les fonctions, Jean-Louis prend la tête de la division « Matériel » en 4ème Région aérienne. Il y confirme son goût pour le soutien de l'homme et cette fonction logistique qui, peu à peu, s'inscrira comme un marqueur de sa vie professionnelle.
– 1987, tu retournes sur le terrain, un grand terrain cette fois, à Nîmes, où tu sers sous l'autorité de l'un des commandants de base les plus en vue de l'époque. L'équipe fonctionne à merveille et tu resteras dans la mémoire de ce chef, je le sais, il me l'a dit, l'archétype de l'administrateur militaire que tout chef de corps aurait souhaité avoir à ses côtés. A Nîmes, tu seras aussi le commissaire des fusiliers-commandos de l'air et, auprès d'eux, laisseras le souvenir d'un officier d'autorité qui savait aussi placer les conditions de vie du combattant au premier rang de ses préoccupations.
– 1991, tu es responsable de la « restauration » en région Méditerranée. Dans ce secteur alors en pleine mutation, tu te réalises pleinement. Tes qualités managériales et d'innovation y feront date.
– Mais nous sommes bientôt en 1995, te voici colonel t'engageant alors dans ce processus ascendant qui te verra successivement :
- à la tête du fleuron de nos établissements ravitailleurs, à Portes-lès-Valence, durant trois ans ;
- puis directeur adjoint du Service Logistique du Commissariat de l’air durant cinq ans ;
- et enfin, aboutissement de la trajectoire, directeur de cet important service, pierre angulaire du dispositif de soutien de l'homme qui prévalait alors dans l'Armée de l'air.
Durant ce troisième temps de ta carrière, la spécificité militaire que tu chérissais tant dans ton métier put aussi magistralement s'exprimer par de nombreux et longs détachements en opérations :
- Vicenza, en Italie, en 1994, dans le cadre du soutien des opérations aériennes en ex-Yougoslavie ;
- le Tchad et l'Arabie Saoudite en 1995 ;
- enfin, au plus haut niveau de ton domaine d'activité, l'état-major de l'OTAN, à Naples de l'été 2002 à l'été 2003.
Nommé officier général le 1er Janvier 2005, tu quittes, à ta demande, le service actif le 1er janvier 2006.
Vraiment, Jean-Louis, quand on retrace tout cela, que se dire sinon quel parcours, quelle vie !
A cette chose militaire, à cette Armée de l'air, à ce commissariat de l’air, si chers à ton cœur, tu as tout donné : ta compétence, ton enthousiasme mais aussi ton travail et, chacun le sait ici, ton courage durant les moments difficiles de ta vie personnelle, particulièrement au cours des dernières années où la maladie engageait déjà avec toi un combat inégal.
Mais l'institution, de son côté, t'a beaucoup apporté et, j'oserais dire, t'a nourri, forgeant, sur le temps long, une large part de ta manière d'être et de penser. Celle que nous aimons précisément.
L'institution aussi a reconnu ton mérite ; elle préservera, sois en certain, ton souvenir et toi, aujourd'hui, tu peux partir serein et fier de l'avoir servie avec honneur.
Merci Jean-Louis. Au revoir mon ami.
Talant, 16 septembre 2021
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D’éminentes qualités humaines et professionnelles
par le commissaire général (2S) Michel Barbaux
Mon cher Jean-Louis,
On ne choisit pas sa famille mais on choisit ses amis. Nous nous sommes choisis !
Quelques jours après ton arrivée à l’Ecole de l’air de Salon-de-Provence, le 10 septembre 1973, je t’ai proposé de devenir mon « fils ». Un parrainage en quelque sorte. J’étais entré dans cette école l’année précédente. Tu as accepté spontanément, je me souviens très bien de ce moment. Tu m’as répondu : « oui je veux bien ». C’est ainsi que je suis devenu ton « père » de promotion.
C’est à ce titre que j’ai eu l’honneur de te remettre, au cours d’une cérémonie solennelle, le poignard d’apparat, dont tu es si fier, qui est le symbole de ton appartenance au corps des officiers de l’armée de l’air.
Depuis 1973 - cela fait 48 ans ! -, à chacune de nos rencontres tu m’appelles « mon père » et je t’appelle affectueusement « mon fils ». Nous sommes liés par une amitié indéfectible, un état de confiance absolue et de total désintéressement.
Tu m’as confié tes bonheurs et tes malheurs. De grands bonheurs mais aussi de terribles épreuves physiques et morales dont tu me parles de temps à autre mais sans jamais te plaindre. Une magnifique leçon de vie !
J’admire ta force de caractère et j’apprécie ta bonne humeur, ta générosité du cœur, ta convivialité, ta courtoisie, ton intelligence, ta culture.
Nous n’avons jamais travaillé ensemble mais, fort heureusement, nous nous sommes souvent retrouvés dans des déjeuners ou réunions de travail.
Après ton départ de l’Armée de l’air, le 1er janvier 2006, les occasions de rencontre se sont faites plus fréquentes, dans un cadre familial avec Martine, à Heillecourt puis à Talant.
Le 19 août dernier, alors que tu livrais ton ultime combat - et avec quelle dignité ! - je suis resté 9 heures à tes côtés pendant lesquelles nous avons conversé paisiblement. Tu m’as parlé de ta famille, de tes amis et d’anciens collègues de l’Armée de l’air qui te sont restés fidèles. Nous avons évoqué quelques anecdotes croustillantes et alors ton visage s’illuminait !
Tu as gravi tous les échelons de la hiérarchie jusqu’au grade de commissaire général. Ce grade est la reconnaissance de tes éminentes qualités humaines et professionnelles.
Ton invitation à faire un don à la fondation des œuvres sociales de l’armée de l’air et ton adhésion à l’amicale des commissaires de l’air dès sa création en 2012 sont la preuve, s’il en était besoin, de ton profond attachement à l’Armée de l’air et au commissariat de l’air auxquels tu as consacré toute ton énergie.
Mon général, mon cher Jean-Louis, « mon fils », tu nous manques déjà.
Nous ne t’oublierons pas.
Je t’embrasse.
A Talant le 16 septembre 2021