mardi 21 mai 2019

Exercice interallié

Pour un soutien Commissariat optimal du déploiement de nos cocardes

En complément aux OPEX, les commissaires de l’air à partir des années 2000 puis les commissaires des armées de milieu air, désormais, participent aux exercices interalliés (1) ou aux déplacements à l’étranger (2) effectués par les unités de l’Armée de l’air.

En août 2018, le CR1 Idrissa Diop (OSC 2015) a ainsi été intégré aux aviateurs participant aux missions PITCH-BLACK (du 27 juillet au 17 août 2018) et PEGASE (du 19 août au 4 septembre) en Australie puis en Asie.

Pouvez-vous nous parler de ces deux missions ?

L’objectif initial consistait à participer en Australie à un exercice tactique et de coopération aérienne interallié, dénommé « PITCH BLACK », avec à la fois des pays membres et non membres de l’OTAN. Cette première étape s’est donc déroulée, sous l'autorité du colonel Arnaud Brunetta, durant trois semaines à Darwin et Tindal dans les territoires du nord de l’Australie, avec la participation des USA, de la Grande-Bretagne, de l’Australie, de l’Inde, de Singapour et de plusieurs autres forces armées asiatiques.



Dans un second temps, cet exercice a offert l’opportunité à l’Armée de l’air, au retour, de conduire une mission plus étendue en Asie-Pacifique, menée par le général Charaix représentant le CEMAA, contribuant à renforcer la présence de la France dans cette zone d’intérêt stratégique et à approfondir les relations avec les principaux pays partenaires (Indonésie, Malaisie, Vietnam, Singapour (3) et Inde).

Ce volet participait bien sûr au rayonnement de l’Armée de l’air au travers d’une opération stratégique à vocation diplomatique, humanitaire et opérationnelle. Cette mission, dénommée « PEGASE » (Projection d’un dispositif aérien d’Envergure en Asie du Sud-Est), a permis de valoriser auprès des principaux partenaires régionaux les capacités aériennes de projection de puissance de la France et le savoir-faire technologique de son industrie aéronautique de défense.

Ces deux missions d’envergure ont permis de déployer nos cocardes, tout en démontrant les capacités tactico-opérationnelles de nos aéronefs tels que le Rafale et l’Airbus A400M Atlas.

Quels sont les retours en termes opérationnels ?

Je n’évoquerai pas les retours sur le plan opérationnel, qui ont été largement détaillés dans le numéro 715, octobre 2018, d’Air actualités.

Mais il est important de noter que, sur le plan humanitaire, la mission PEGASE a permis de venir au secours des habitants de l’île de Lombok (Indonésie), frappés par un terrible tremblement de terre. Ainsi, on y a acheminé 24 tonnes de vivres, de matériaux de construction, de matériel médical ainsi qu’une ambulance.

Quels sont les équipages qui y ont participé ?


La France était représentée par un important détachement constitué des équipages et mécaniciens de trois Rafale B des FAS (Forces aériennes stratégiques) et du CFA (Commandement des forces aériennes), d’un A400M Atlas, d’un Airbus A310 et d’un Casa CN-235 de l’escadron de transport 52 « Tontouta », venu de Nouvelle Calédonie, et d’un ravitailleur C-135 sur certaines étapes. A un moment, l’effectif est monté jusqu’à 184 personnes. Et il fallait tout coordonner pour que les missions se réalisent dans les meilleures conditions de soutien.

Justement, quel était votre rôle dans cette mission ?

En tant que commissaire d’exercice, j’étais en charge du soutien administratif, juridique et financier des exercices. J’ai contribué à la définition du cadre juridique de couverture pour le bon déroulement des opérations prévues à chaque étape. J’ai aussi eu la lourde charge d’assurer le soutien administratif et financier du début à la fin de la mission. C’est une charge riche, très intéressante, mais lourde à la fois. Parce qu’il fallait à tout moment préparer les étapes à venir tout en exécutant les étapes en cours ou déjà passées.

Casa 235
Habituellement, nos forces se déploient sur un pays ou une zone géographique à règlementation et devise (monnaie) uniques. Alors, que dans le cas de PEGASE, au retour, il fallait pour chaque étape raisonner sur une monnaie différente, et s’assurer de la bonne prise en compte d’un nouveau cadre juridique spécifique. Les exigences en matière de survol ou d’importation d’armes sont très différentes d’un pays à un autre.

De même, les conditions d’immigration, et autres droits de douanes, ne sont pas les mêmes entre l’Australie, l’Inde, le Vietnam ou les Emirats Arabes Unis entre autres. C’est un énorme travail (titanesque) de tout coordonner pour assurer le meilleur soutien de nos forces, le tout dans un environnement opérationnel dense H24.

Nous avions des activités aériennes de jour comme de nuit, et il fallait à tout moment s’assurer de la bonne coordination de l’ensemble des moyens de soutien communs pour la bonne prise en charge des équipages sur le terrain, d’astreinte et de repos. C’était très compliqué de tout coordonner et un défi quotidien à relever sur chaque escale. Il y avait beaucoup de mouvements, de changements de programme dus aux conditions météorologues difficiles, ou de disponibilité des aéronefs. A chaque fois, il fallait une réactivité des différents prestataires de services pour s’adapter aux réalités opérationnelles. Pour moi, c’est une expérience inédite que beaucoup n’auront pas l’occasion de vivre dans leur carrière militaire.

Quels sont les facteurs de succès que vous avez notés ?

Tout d’abord, permettez-moi de remercier très sincèrement la chaîne de commandement de cette mission à savoir le général Patrick Charaix ainsi que le colonel Arnaud Brunetta, sous les ordres de qui j’ai eu l’honneur de servir.

Leur confiance et leur capacité d’écoute m’ont permis d’avancer plus facilement sur certains points en faisant les choix optimaux pour assurer le meilleur soutien dans chaque domaine. La question que je me posais à chaque étape était : « En quoi puis-je le mieux aider le commandement à réussir la mission ? ».

Pratiquement, pour réussir une mission de cette envergure, il faut plus que des compétences en gestion budgétaire ou en soutien commun, il faut avant tout - me semble-t-il -  un sens du service et des responsabilités avec une vision opérationnelle, en ayant constamment en tête l’unique objectif qu’est la réussite de la mission sur tous les plans, au-delà même du simple périmètre de l’administration générale et du soutien en commun (AGSC).

A mon sens, avec le recul, un bon commissaire d’exercice est quelqu’un qui parvient, dans un environnement opérationnel, non seulement à s’impliquer dans les activités de terrain, au plus près du quotidien des soutenus pour maintenir la qualité de vie de ces derniers, mais aussi à prendre toutes les dispositions pour que les équipages puissent travailler dans les meilleures conditions possbles. C’est là l’occasion de démontrer notre statut d’administrateur militaire, de facilitateur. Enfin, en environnement opérationnel, la capacité de travailler en équipe doit être combinée à la recherche des options de soutien optimales en termes de qualité, de simplicité et de coûts. C’est-à-dire les plus simples et les plus efficientes par rapport aux réalités du terrain.


Pour cela, il nous a fallu beaucoup d’anticipation, de réactivité, de rigueur et de fermeté. Il faut essayer de tout planifier en amont lors des phases de montage, jusqu’à... la mise à disposition des chambres par exemple. En conduite, il nous a fallu beaucoup de réactivité, de coordination et surtout de diplomatie.

Dans quels domaines s’exerçait votre soutien ?

Les domaines du soutien AGSC sous la responsabilité du commissaire d’exercice couvrent, entre autres, la coordination et la prise en compte des moyens de transport terrestres sur place, le logement, la restauration etc. Dans le cadre de cette mission, il fallait aller plus loin avec la prise en compte du soutien lié au stationnement au sol des aéronefs. Il fallait également contractualiser avec différents prestataires de services aéroportuaires pour le bon déroulement des opérations de handling, de maintenance, de chargement, de fourniture en carburant opérationnel, etc.

Nous avons essayé, à chaque étape, de fournir les meilleures prestations possibles, respectant les normes sécuritaires exigées par la France et par les autorités locales du pays visité. Les équipages étaient logés dans de très bonnes conditions. Les moyens de transport sont restés suffisamment disponibles sur toutes les étapes et ont permis d’assurer toutes les rotations entre différents sites de stationnement des équipages. De même, les prestations en alimentation ont été de grande qualité.
Pour moi, la bonne prise en charge de tous ces points a largement contribué à la réussite des missions PITCH-BLACK et PEGASE.

Quel regard portez-vous sur cette mission ?

Personnellement, cette mission restera une expérience inédite et unique en son genre. Je peux témoigner de l’engagement exemplaire de nos forces partout dans le monde. Non seulement, elle m’a permis de découvrir d’autres pays, de travailler en environnement opérationnel très éloigné de la France géographiquement et culturellement, mais aussi de mieux comprendre les réalités opérationnelles de nos forces aériennes.

Cela m’a également permis de découvrir le monde des attachés de défense, qui eux aussi ont largement contribué à la réussite des deux missions. Sur toutes les étapes, ces attachés de défense sont restés disponibles et nous ont accompagnés pour toutes les démarches. Ils représentent dignement la France à l’étranger et je les remercie pour leur soutien constant du début jusqu’à la fin des opérations. En somme, malgré la lourdeur de la charge, j’en tire un bilan très satisfaisant humainement et professionnellement. Pour moi, l’enjeu consistait à relever les défis d’un soutien qui devait être satisfaisant à chaque étape.

Votre vision du commissariat après une telle mission ?

Pour moi, le service du commissariat des armées est au cœur même de la bonne réalisation de nos missions opérationnelles, quelle que soit l’armée d’ancrage. Toute mission militaire sans soutien commun et logistique est vouée à l’échec. Bien sûr, chaque soutien doit être dimensionné à la hauteur des enjeux. C’est vrai que le rôle du soutien n’est pas le plus visible, alors qu’il est au cœur de la réussite de toutes les opérations. Comme j’ai l’habitude de dire, vous nous verrez rarement sur les photos, car nous préférons les prendre pour mieux voir le sourire des soutenus.


(1) Voir nos articles récents (Mapple Flag Novembre 2016, Serpentex novembre 2017, Emerald Warrior avril 2018),
(2) Déplacement de la PAF aux USA en 2017 (cf. nos articles en mars et juin 2017)
(3) Autre facteur de rayonnement de la France, à Singapour, le général Charaix et des membres de la mission ont visité une exposition sur le Petit Prince organisée par la Fondation Antoine de Saint Exupéry pour la Jeunesse au musée philatélique de Singapour


 (crédits photos : Armée de l’air, FASEJ)