mercredi 12 juillet 2017

Une variété d’expériences, de challenges, de points de vue et d’équipes

Par le CRG1 Françoise Honorat-Latour

Nous poursuivons notre série du quarantième anniversaire de la féminisation du corps des commissaires de l’air avec les témoignages des « pionnières », à la fois sur leurs motivations, ce qu’elles ont retiré de leur arrivée à Salon et ce que cette formation a pu leur apporter au cours de leur carrière professionnelle, qu’elles aient  poursuivi leur parcours dans l’armée de l’air, dans la défense ou encore qu’elles aient fait d’autres choix professionnels.
Après Nicole Menguy (ECA 77) et Brigitte Debernardy (ECA78), nous donnons la parole au CRG1 Françoise Honorat-Latour (X76, ECA78) que nous remercions.

« Cette année 2017 marquant déjà le 40ème anniversaire de l’ouverture aux femmes en 1977 du commissariat de l’air, je remercie l’AMICAA de me donner, à cette occasion, une opportunité de me retourner vers le passé pour témoigner d’un parcours presque aussi long dans le commissariat.



J’ai cependant fait mes premiers pas de militaire un peu avant cette date, à l’occasion de mon entrée à l’X en 1976* pour une première année entière de service national que j’ai effectué dans le service du matériel de l’armée de terre, année suivie de deux années plus académiques sur le campus de Palaiseau.

Ni en 1976, à l’X, ni en 1979, quand j’ai rejoint l’école du commissariat de l’air, je n’ai donc fait partie de la première promotion ouverte aux femmes, et donc je n’ai pas eu la lourde responsabilité de contribuer, au moins provisoirement, à définir les règles applicables, et n’ai pas non plus dû supporter les avantages et inconvénients de la surexposition exacerbée correspondante. Ultérieurement, j’ai été à plusieurs reprises la première femme à occuper certains postes, en témoignait par exemple la galerie de portraits exclusivement masculine de mes prédécesseurs au poste de sous-chef support dans les locaux du Joint Force Command de Naples, mais je n’en ai pas fait l’inventaire.

J’ai été le témoin, au fil de ces années, d’une ouverture lente mais croissante des postes aux femmes et d’une banalisation progressive et encore inachevée, dont l’effet ne doit pas être de penser qu’il ne reste rien à faire pour que les femmes aient pleinement l’occasion de mettre, comme les hommes, leurs personnalités et leurs compétences diverses au service d’une institution qui a tout intérêt à ne pas se priver de cette ressource humaine.

Le fait que les femmes puissent occuper, si elles le veulent et si elles satisfont aux mêmes critères justifiés, les mêmes postes que les hommes m’a toujours paru une évidence, après une scolarité toujours en classes mixtes, et à partir de la seconde C jusqu’à la fin de ma dernière année de Math Spé, dans des classes très majoritairement peuplées de garçons, mais où les filles présentes faisaient quotidiennement la preuve, comme certains de mes professeurs femmes d’ailleurs, que les disciplines scientifiques ne sont pas l’exclusivité des hommes et n’étaient pas considérées comme une espèce à part, avec des méthodes de raisonnement ou un comportement pré déterminé par le genre.

1980, en visite à la DCA FATAC-1ère RA
Quand j’ai rejoint à Salon de Provence en octobre 1979, comme lieutenant, la promotion 1978 du commissariat de l’air, d’une part l’encadrement de l’ESAM de Bourges avait déjà cherché en principe à faire de moi un « homme » - au même titre que mes camarades masculins appelés du contingent ou X de mon peloton d’EOR, dans le même élan, sans trop de distinction et sans hésitation -, d’autre part évoluer dans un milieu quasi totalement masculin ne présentait pour moi aucun caractère particulièrement inhabituel et enfin, en terme d’esprit de compétition exacerbé et d’élitisme, aucune expérience ultérieure n’a atteint le niveau de mes années à l’X .

Ce qui me paraissait naturel ne l’était toutefois pas pour les statuts. Une chose est certaine, parmi les armées, où j’ai souhaité rester à l’issue de ma scolarité à l’X, pour contribuer à la défense autrement que de loin et en se pinçant le nez, seule l’armée de l’air, il faut le rappeler, avait à l’époque ouvert aux femmes un premier accès à ses écoles d’officiers directes, et leur offrait donc, bien que de manière purement théorique, dans les corps d’officiers concernés, les mêmes perspectives de carrière qu’aux hommes. 40 ans plus tard reste-t-il un plafond de verre ? Théoriquement non. L’avenir devra dire rapidement si c’est complètement vrai en pratique.

Venant donc de l’X, et n’étant pas en concurrence directe avec mes camarades de la promotion 1978, pour l’avancement (ayant été placée automatiquement en queue de  promo 1976) ou les affectations (pas de stage), l’année à l’ECA a été une bouffée d’oxygène et un retour bienvenu à du concret (un peu trop concret même, quand il s’agissait d’apprendre par cœur, je me demande encore pourquoi, la recette du bœuf bourguignon pour 500 personnes ou les caractéristiques techniques détaillées du climatiseur XYZ), à de l’humain raisonnablement potache et incontestablement à une pensée un peu moins monolithique que celle observée dans une population de recrutement et d’âge très homogène comme l’était l’X à l’époque.

Depuis ma sortie de l’école du commissariat de l’air en 1980, le commissariat de l’air, l’armée de l’air, le métier de commissaire, que j’imaginais à l’époque comme absolument immuables et immobiles, alors même finalement que le rôle du commissaire venait de connaitre très peu de temps auparavant un changement majeur avec le déploiement récent des commissaires sur les bases aériennes et la prise en compte de la restauration, n’ont pas cessé de se transformer sous l’effet de l’évolution de la situation sécuritaire, économique et de la société en général.

Au CID
Au fil de ce mouvement permanent (quelquefois, hélas, celui du pendule), mes différentes affectations, dans l’armée de l’air – de la première affectation à la direction du commissariat de l’air de la 2ème région aérienne à l’actuelle, et probablement dernière, à l’état-major de l’armée de l’air - en passant par le cabinet militaire du ministre de la défense, l’état-major des armées, la direction centrale du service du commissariat des armées, l’OTAN, la direction des ressources humaines du ministère de la défense, puis mes différents métiers : finances, restauration, matériel commissariat,  systèmes d’information, transformation numérique aujourd’hui et quelques à-côtés inattendus (contribuer par exemple à l’opération de déploiement de l’euro fiduciaire ou, comme sous-chef support au JFC Naples, exercer l’autorité sur des secteurs du soutien aussi variés que J1, J4, J6, JENG et JMED**), et enfin mes différentes garnisons m’ont apporté, à ce jour, une variété d’expériences, de challenges, de points de vue et d’équipes, qui m’ont conduite finalement, de poste en poste, à choisir de rester jusqu’à maintenant.
au JFC Naples

Tout au long de ces déjà presque 40 ans donc, ma motivation a été l’espoir de contribuer à une administration militaire efficace, au service des forces, respectueuse tant des soutenus que des soutenants et en phase avec son temps. Cela reste aujourd’hui plus que jamais un véritable défi que j’invite les plus jeunes générations, hommes et femmes, à continuer à relever, aussi longtemps qu’ils y trouveront un sens et qu’ils se sentiront soutenus dans cette direction. »

* Ecole ouverte aux femmes en 1972
** Nomenclature OTAN (J pour Soutiens) : J1 RH, J4 Log, J6 SIC, JENG infra et JMED médical